Quelques doutes sur le caractère contraignant de l’Accord de Paris

 

Écrit en collaboration avec David Pavot

Le 12 décembre dernier, on apprenait à grand renfort d’annonces médiatiques l’adoption par consensus de l’Accord de Paris.

On doit certainement se réjouir que les États aient enfin été capables de mettre sur papier une série d’objectifs visant à limiter le réchauffement climatique. Les échecs des dernières années étaient devenus intolérables. Mais on est forcé de constater que, contrairement à ce qu’on nous annonce, cet Accord relève davantage de voeux pieux que d’engagements fermes de la part de la communauté internationale.

Certes, on nous le répète, cet Accord est contraignant, c’est-à-dire qu’une fois entré en vigueur, son respect sera obligatoire pour les États qui y seront parties. Toutefois, ce caractère contraignant n’est que de façade, et ce, pour deux raisons principales.

D’une part, les obligations à la charge des États fixent davantage des objectifs généraux, se présentent sous la forme de suggestions (en utilisant le conditionnel au lieu de l’impératif par exemple) et ne fixent qu’à 2020 ou 2025 une révision à la hausse des engagements.

D’autre part, aucun mécanisme précis n’est prévu pour sanctionner les États parties qui ne respecteraient pas leurs engagements. L’Accord de Paris prévoit bien qu’un Comité d’experts facilitera la mise en oeuvre et la promotion du respect des dispositions. Or, comme le précise l’Accord, ce Comité n’aura aucune fonction « accusatoire » ou « punitive ». En cas de différend, à l’instar de ce qui était prévu par le Protocole de Kyoto, la Cour internationale de Justice (CIJ) sera compétente. Vu l’échec d’une telle référence à la saisine de la CIJ dans le cas du Protocole – qui contenait des obligations pourtant bien précises – on peut douter de son efficacité.

En définitive, ce qu’on craignait s’est produit. À force de concentrer leurs énergies sur la nécessité absolue d’adopter un accord contraignant, les États ont perdu de vue l’importance de fixer des engagements clairs et précis, et d’assurer leur mise en oeuvre effective. Surtout, ils ont oublié que, parfois, un texte non contraignant peut produire davantage de résultats qu’un accord contraignant dont le contenu, à force de compromis, ne satisfait plus les attentes initiales.

 

Auteur : Geneviève Dufour

Professeure en droit international public Directrice de la maîtrise en droit international et politique internationale appliqués Vice-doyenne à la recherche et aux études supérieures

4 réflexions sur « Quelques doutes sur le caractère contraignant de l’Accord de Paris »

  1. C’est vraiment une déception la plus totale par rapport aux attentes et espoirs suscités. Avant toute chose, je voudrais, chemin faisant, exprimer mon adhésion inconditionnelle à cette approche d’une rationalité non récusable adoptée par la Professeure G.Dufour en collaboration avec D.Pavot… Je voudrais tout de même relever le fait que les espoirs en termes d’un Accord universel contraignant dans la logique diplomatique et médiatique de la France ont été évanouis dès les premières heures préparatoires de la CAP21 dans ce sens que le Département d’État américain ,du moins pour les États-Unis, considérant que toutes les obligations internationales contraignantes de ce genre ne le sont pour les États-Unis qu’au travers de l’aval du Congrès (ratification), partant, tous les discours écologistes tendant à construire un régime contraignant par l’insertion de tant de mécanismes dans l’Accord de Paris (écocide comme crime international relevant de la compétence de la CPI, la création d’une Cour Climatique pénale internationale…),ont relevé d’un dialogue des sourds

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  2. À la demande de Maxime St-Hilaire, je reproduis ici le commentaire que j’ai fait sur FB…
    Entièrement d’accord avec cet article. (Malgré quelques coquilles… 2023 au lieu de 2025, 12 décembre au lieu du 15). Mais les É.-U. n’auraient pas pu donner leur appui à plus contraignant que ça (un exemple ici http://gizmodo.com/a-single-typo-nearly-killed-the-paris-climate-accord-1747908970) car ça aurait nécessité une ratification par le Congrès… ce qui est évidemment impossible avec les Républicains qui dominent la Chambre des représentants. Nivellement par le bas, quand tu nous tiens…

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    1. Bonjour !

      Nous vous remercions pour votre commentaire. Nous avons fait la modification pour le 12 décembre ! Toutefois, il n’est pas aussi certain que les cibles soient à modifier en 2023. L’Accord mentionne bien que la conférence des parties procédera à son bilan mondial en 2023 (art. 14:2) mais il mentionne surtout dans les considérants (qui prennent une forme spéciales et originale puisqu’on réfère à des engagements) dédiés à l’atténuation (par. 23) que les États parties doivent communiquer de nouvelles cibles en 2020 et en 2025…

      Quant à votre remarque sur les ÉU, nous sommes entièrement d’accord … Et justement, le génie aurait peut-être été de faire un accord non contraignant, mais comportant des cibles précises. Dès lors, le congrès n’aurait pas été interpelé car aucun besoin de ratification d’une déclaration. Il aurait fallu user d’encore plus de génie pour adosser à cette déclaration un mécanisme de sanction, lui contraignant mais surtout existant (encore une fois pour se sortir de l’impasse américaine).

      Bref, il est peut-être temps de repenser nos instruments… C’est ambitieux, mais nécessaire.

      Geneviève et David

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