C’est officiel, le gouvernement renonce à la partie du projet de loi 59 visant à réprimer les « discours haineux ».
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse souhaitait par ce projet de loi obtenir plus de pouvoirs. Il était prévu qu’elle allait pouvoir enquêter sur des citoyens ayant tenu un « discours haineux » et faire en sorte que leurs noms figurent sur une liste noire rendue publique. Avant même l’adoption du projet de loi, le président de cette commission avertissait que ces pouvoirs serviraient à réprimer les discours trop critiques envers certaines religions.
À notre avis, le retrait de cette partie du projet de loi est une grande victoire pour la liberté. Il ne fait pas de doute que cette partie du projet de loi aurait eu pour effet de renforcer la censure et l’autocensure qui limitent la liberté d’expression, notamment chez les humoristes. Plus important encore, c’est une victoire pour la liberté collective. On l’oublie trop souvent, mais la liberté ne devrait pas se limiter à des protections individuelles contre les interventions de l’État. La liberté, c’est aussi celle de n’être soumis qu’aux normes auxquelles on a consenti, directement ou indirectement, en étant citoyens d’une démocratie. Or, le retrait des articles du projet de loi relatifs au « discours haineux » est directement lié à l’action de citoyens, de députés d’opposition et d’experts, dont des avocats défenseurs des libertés auxquels j’ai eu l’honneur de me joindre. Très majoritairement, ils se sont prononcés contre ces articles, forçant ainsi le gouvernement à reculer.
Il ne s’agit pas de dire que les groupes qui sont malheureusement parfois victimes de « discours haineux » ne devraient pas être protégés. Ils le sont déjà par le Code criminel et par les règles de la responsabilité civile applicables lorsqu’un tel discours constitue une faute causant un dommage à une personne. Le droit prévoit déjà la ceinture et les bretelles, le projet de loi 59 voulait ajouter la camisole de force!
Si le gouvernement souhaite vraiment protéger ces groupes (femmes, minorités ethniques, etc.), qu’il cesse de couper dans leur financement. De cette manière, ils auront davantage de moyens pour répondre aux discours qui les critiquent et pour combattre les préjugés. Lorsqu’il y a un problème de liberté d’expression dans une société, la solution n’est pas moins de liberté d’expression, mais plus de liberté d’expression.