Qui garde l’animal de la famille en cas de séparation?

Jugements récents axés sur la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal

Michaël Lessard et Marie-Andrée Plante

Dans deux récents jugements de séparation conjugale, les tribunaux québécois ont exprimé leur ouverture à attribuer la garde de l’animal en fonction de sa sensibilité et de ses impératifs biologiques. L’animal pourrait alors être attribué à un conjoint ou une conjointe selon sa capacité à respecter la sensibilité de l’animal et à satisfaire ses impératifs biologiques. Analyser ainsi un dossier pourrait mener à une garde exclusive ou encore une garde partagée, selon les faits de l’espèce. Prétendre détenir un titre de propriété sur l’animal ne serait pas, selon cette approche, déterminant pour en décider l’attribution. 

Cette nouvelle approche pourrait avoir une incidence importante sur l’issue des dossiers que les juges analyseront dans les années à venir. Cette approche n’émerge pas d’un vide. Elle se base sur une réflexion doctrinale costaude développée par le professeur Alain Roy dans « La garde de l’animal de compagnie lors de la rupture conjugale »[1] et la professeure Alexandra Popovici dans « Chercher la petite bête : les animaux dans le Code civil du Québec »[2], que nous avons approfondie dans « L’animal de la famille : un sujet sensible »[3]. Cette approche développée avec rigueur par la doctrine commence ainsi à recevoir une reconnaissance en jurisprudence. 

Pour en savoir plus sur les fondements juridiques de l’approche axée sur la sensibilité animale, consultez « L’animal de la famille : un sujet sensible ».

Boucher c. Cadorette

Dans Boucher c. Cadorette (2025 QCCQ 1102), un couple qui se sépare s’adresse à la Cour du Québec afin de déterminer qui est propriétaire de la chienne Willow adoptée deux ans plus tôt. Chacune des parties, qui étaient en union de fait, affirme être propriétaire de l’animal et rejette la possibilité d’une copropriété indivise. De plus, aucune des parties ne revendique la garde exclusive ou partagée de l’animal en cas d’attribution de la propriété à l’autre partie. Après une analyse de la preuve, le juge Dominique Roux conclut que monsieur MAB est propriétaire de Willow. 

Cela étant, le juge Roux évoque la possibilité d’aménager la garde de l’animal entre les parties en fonction de la sensibilité et des impératifs biologiques de Willow. Le juge Roux note en effet que « la contribution de [madame AC] au bien-être de Willow dépasse largement celle de son ex-conjoint » et qu’« [e]lle semble la mieux outillée pour poursuivre de façon optimale le développement et l’épanouissement de l’animal » (paragr. 125). Il explique alors que d’attribuer la propriété de Willow à monsieur MAB ne signifie pas nécessairement que Willow devrait être coupée de toute relation avec AC. Plutôt, l’article 898.1 du Code civil du Québec (C.c.Q.) permettrait à madame AC de maintenir des contacts importants avec l’animal : 

[110]    En attribuant la propriété exclusive de Willow à monsieur Boucher, le Tribunal a épuisé sa juridiction. Comme les parties ne demandent pas la garde de l’animal sans égard au titre de propriété, aucune ordonnance ne peut être émise en ce sens.

[111]    Le juge soussigné se permet toutefois quelques remarques (obiter dictum) qui n’exigent pas la réouverture des débats, dans la mesure où le litige pouvait être tranché sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’article 898.1 C.c.Q. 

[112]    Introduit en 2015, cette disposition place les animaux dans une « nouvelle catégorie innomée ». Il n’est donc plus question de les traiter comme des biens laissés au bon vouloir ou au diktat de leur propriétaire, ni comme « des choses au sens du droit, mais plutôt [comme] des êtres […] déréifiés par un acte législatif ». 

[113]    L’assujettissement de l’animal au cadre juridique régissant les biens implique qu’une personne physique ou morale puisse l’acquérir, le posséder et le céder. Néanmoins, l’article 898.1 C.c.Q., qui « a […] valeur de norme comportementale », établit « la conduite que doivent avoir tous ceux et celles qui interagissent avec de tels êtres ».  

[114]    À ce sujet, le professeur Roy écrit : 

Bien qu’il puisse toujours en revendiquer la possession, le propriétaire de l’animal doit donc désormais exercer ses prérogatives à la lumière de tous ses impératifs biologiques. Non seulement il doit s’abstenir de gestes qui vont à l’encontre de tels impératifs biologiques, mais il doit aussi agir de manière à favoriser le développement et l’épanouissement de son animal. Son obligation est de nature active, et non simplement passive. 

[Nos soulignements]

[115]    Les « impératifs biologiques » de l’animal, auxquels réfère le premier alinéa de l’article 898.1 C.c.Q., sont des « besoins essentiels d’ordre physique, physiologique et comportemental ». Comprise dans ces besoins, la socialisation se conjugue à la sensibilité de l’animal

[116]    L’approche préconisée dans l’affaire Marquis c. Harvey est une belle illustration de « l’effet utile » que doit avoir le premier alinéa de l’article 898.1 C.c.Q., à travers l’imposition d’obligations spécifiques aux propriétaires d’animaux. Comme en l’espèce, les partenaires faisaient vie commune sans être assujettis à quelconque régime (matrimonial ou union civile) et aucune entente ne déterminait les modalités de partage en cas de rupture. Durant leur union, ils ont acquis deux chiens et en étaient tous deux copropriétaires (se partageant le prix d’achat et les dépenses nécessaires aux soins et à l’entretien des animaux).   

[117]    Après la séparation, la Cour supérieure doit déterminer qui gardera les chiens. À ce moment, le conjoint n’a pas vu ses animaux depuis deux ans. Au lieu de limiter son analyse au seul titre de propriété, la juge Sophie Picard, J.C.S., tient compte des besoins des deux animaux pour accorder la garde exclusive à la conjointe, évitant ainsi de les séparer. Elle conclut comme suit : 

[87]       Par conséquent, vu l’affection profonde qu’éprouve Mme Harvey à l’égard des deux chiens et la dynamique de jeu existant entre ceux-ci, il est préférable de préserver la situation actuelle, malgré le vide que ceci représentera pour M. Marquis. Il est à espérer qu’il pourra, dans un avenir rapproché, développer avec un nouveau chien, le même type de « connexion » que celle qui existait avec Pico.

[118]    Les auteurs Lessard et Plante regrettent que ce jugement soit isolé dans l’écosystème judiciaire. En effet, « l’approche fondée sur la propriété » domine depuis 2015, malgré l’introduction de l’article 898.1 C.c.Q.. Or, cette voie devrait être délaissée « au profit d’une nouvelle approche » qui aménage la garde de l’animal « de manière à respecter sa sensibilité et ses impératifs biologiques ».

[119]    À titre d’exemple, poursuivent les auteurs, la relation entre l’animal et les membres d’une famille, qu’il s’agisse de l’ex-conjointe ou conjoint ou des enfants, « pourrait être maintenue si cela sert son bien-être », nonobstant le titre de propriété.

[120]    Le professeur Roy abonde dans le même sens :

Si les impératifs biologiques de l’animal ne se limitent pas à ses besoins physiques et physiologiques, et qu’il faut les évaluer en fonction de l’espèce animale à laquelle il appartient, on pourra difficilement exclure de leur portée les liens affectifs que l’animal de compagnie, et plus particulièrement le chien, aura pu développer avec les personnes qui en prennent soin. Ces liens constitueront autant de stimulus susceptibles de favoriser son bien-être et son épanouissement. On ne saurait donc les rompre sans conséquence significative pour l’être sensible que constitue désormais l’animal.

[…] 

À notre avis, les impératifs biologiques de l’animal pourraient justifier le maintien des liens significatifs que ce dernier aura pu développer avec le conjoint qui ne peut en réclamer la propriété, voire avec tout autre membre de la famille. Autrement dit, le conjoint propriétaire de l’animal de compagnie aura beau brandir son titre d’acquisition, il pourrait, selon nous, se voir imposer une « garde partagée » de l’animal ou, à tout le moins, des droits d’accès en faveur du conjoint non-propriétaire dans la mesure où les impératifs biologiques de l’animal le justifient. Dans un tel contexte, la notion d’impératifs biologiques de l’animal pourrait donc constituer l’équivalent conceptuel du principe de l’intérêt de l’enfant. 

[Nos soulignements]

[121]    Le Tribunal est d’accord avec ces propos.

[Soulignements du tribunal ; gras ajoutés ; références omises] 

Selon le tribunal, le fait de priver madame AC de tout droit vis-à-vis Willow en raison de la rupture conjugale et de l’attribution de la propriété exclusive à monsieur MAB « équivaudrait à priver d’effet le premier alinéa de l’article 898.1. C.c.Q. » (paragr. 126). Si le tribunal n’avait pas, en l’espèce, à statuer sur la garde de l’animal, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence évoque désormais, depuis l’adoption de l’article 898.1 C.c.Q., que la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal doivent être pris en compte dans les procédures familiales qui le concernent, et ce, indépendamment du titre de propriété.

Droit de la famille — 251080

Dans Droit de la famille — 251080 (2025 QCCS 2859), un couple marié s’adresse à la Cour supérieure du Québec afin de régler son divorce. Dans ce cadre, madame AL demande à être déclarée propriétaire du chien Love, acquis par monsieur GJ avant le mariage, parce qu’elle a assumé principalement les soins de l’animal. Ainsi, encore une fois, aucune des parties ne revendique la garde exclusive ou partagée de l’animal en cas d’attribution de la propriété à l’autre partie. Les deux parties considèrent que le chien Love est la propriété de monsieur GJ ; madame demande le transfert de cette propriété en sa faveur. Après analyse, le juge Mathieu Piché-Messier conclut qu’un tel transfert de propriété n’est pas possible puisque, « à ce jour, aucune autorité jurisprudentielle ou doctrinale ne lui permettrait d’utiliser l’article 898.1 C.c.Q. pour ordonner le transfert du titre de propriété de Monsieur sur Love à Madame » (paragr. 85). 

Cela étant, le juge Piché-Messier explique qu’il aurait été ouvert à ce que madame AL demande la garde du chien Love, même en l’absence de titre de propriété, sur la base de la sensibilité et des impératifs biologiques de l’animal. Par souci de clarté, précisons que la preuve ne suggère pas que madame AL s’occuperait mieux du chien, de sorte qu’elle n’aurait pas nécessairement obtenu la garde de l’animal dans les faits, mais le juge explique que, en droit, une telle demande aurait pu lui être adressée. En effet, le juge Piché-Messier considère approprié d’adopter une approche globale fondée à la fois sur le titre de propriété et sur la sensibilité et les impératifs biologiques d’un animal pour octroyer la garde ou les droits d’usage d’un animal à une partie, bien que cela ne lui soit pas demandé en l’espèce : 

[69]      Traditionnellement, la propriété d’un animal à la suite d’une rupture est déterminée en fonction de la partie présentant la preuve du titre de propriété la plus convaincante, notamment en établissant qui en avait assumé l’achat.

[70]      En 2015, dans le contexte de l’adoption de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal [(L.b.s.a.)], le législateur a ajouté l’article 898.1 du Code civil du Québec qui prévoit que : 

898.1. Les animaux ne sont pas des biens. Ils sont des êtres doués de sensibilité et ils ont des impératifs biologiques.

Outre les dispositions des lois particulières qui les protègent, les dispositions du présent code et de toute autre loi relative aux biens leur sont néanmoins applicables.

[71]      L’approche jurisprudentielle fondée sur le titre de propriété est encore majoritaire et s’appuie sur le contenu du second alinéa de l’article 898.1 C.c.Q.

[72]      Toutefois, dans la mesure où le législateur ne parle pas pour ne rien dire, le premier alinéa de 898.1 C.c.Q. ouvre la porte à de nouvelles interprétations sur la base d’une analyse globale de la situation de l’animal. Ainsi, dans le cadre d’une séparation, la « sensibilité » et les « impératifs biologiques » de l’animal, permettraient au Tribunal de prendre en compte un contexte plus large que la simple existence d’un titre de propriété

[73]      En plus du titre de propriété, cette analyse globale permettrait de prendre en considération, entre autres, les liens d’attachement entre l’animal et certains membres de la famille, incluant les autres animaux, le milieu de vie d’un époux, sa disponibilité et sa motivation à s’en occuper et la présence de mauvais traitement ou de négligence, le tout en fonction des impératifs biologiques tels que définis dans la L.b.s.a.

[74]      Dans la décision Marquis c. Harvey, la Cour prend en compte plusieurs facteurs étrangers au statut de propriété, tels que la dynamique de jeu entre les deux chiens, la faculté des parties à s’en occuper ainsi que leur degré d’attachement.

[75]      À la lumière de l’article 898.1 C.c.Q. et des éléments précédents, le Tribunal estime légitime d’adopter, afin de déterminer une propriété contestée d’un animal, une approche globale tenant compte du titre de propriété (qui demeure déterminant et peut, dans certains cas, faire présumer la propriété), des impératifs biologiques et sensibles d’un animal, notamment en contexte de séparation.

[76]      Ainsi, l’approche traditionnelle fondée sur le titre de propriété demeure applicable, mais elle peut être modulée selon la sensibilité et les besoins biologiques de l’animal. Le Tribunal pourrait notamment s’inspirer des critères énoncés dans une décision récente de première instance au Nouveau-Brunswick résumant bien l’état du droit en common law sur la question de la détermination de la propriété d’un animal en matière familiale : […] 

[77]      Selon une telle approche modulée, il pourrait être légitime, dans certaines circonstances, de déroger au titre de propriété, afin d’accorder la garde, un droit d’usage ou potentiellement, de déterminer un droit de copropriété, sur un animal lorsque les impératifs biologiques et sensibles de l’animal le justifient.

[78]      Ainsi, en matière de droit d’usage d’un animal, le juge Guillot-Hurtubise j.c.s., dans un jugement récent en matière d’ordonnance de sauvegarde familiale, énonce notamment ce qui suit :

[63]       The author Alain Roy argues that the novel characterization of animals set by art. 898.1 C. C. Q. lays the foundation for a new paradigm that Courts must take into consideration, notably in the context of divorce or separation proceedings. […]

[65]       The Court reiterates that, pursuant to article 898.1 C.C.Q., the biological needs of animals must be taken into consideration when making decisions that concerns them. The Court is of the opinion that it can rely on article 898.1 C.C.Q. to grant a right of use of an animal during the course of a proceeding, whether or not it involves a dispute on its ownership, if it is justified by their sentient nature and biological needs.

[66]       Granting a right of use of animals, until a judgment on the merits is rendered, might imply that they stay in their habitual residence or follow their primary caregiver. ln family matters such as this one, the best interest of the chiId may additionally serve as a basis for such a right if the bond forged with the animals justify that they remain in the same primary environment as the child.

[Références omises]

[79]      L’auteur Alain Roy et les auteurs Lessard et Plante proposent une perspective d’analyse globale similaire en matière de garde ou de droit d’usage de l’animal. Ces derniers écrivent :

L’approche fondée sur la propriété se concentre exclusivement sur le second alinéa, qui expose la continuité de l’application du droit des biens aux animaux. Or, rien ne justifie que seul le second alinéa ait une incidence juridique : il est tout aussi impératif d’accorder une force normative au premier alinéa. La reconnaissance par le Code civil du Québec de la sensibilité et des impératifs biologiques des animaux commande un respect de ceux-ci qui aille au-delà du symbolique. […]

Nous proposons ainsi que la garde de l’animal soit aménagée de manière à respecter sa sensibilité et à satisfaire ses impératifs biologiques. Ceci pourrait impliquer d’octroyer la garde de l’animal à la partie qui respectera le mieux sa sensibilité et qui satisfera le mieux à ses impératifs biologiques. Cela pourrait également impliquer qu’une garde partagée soit prévue entre les parties, voire de permettre à l’animal de suivre l’enfant de la famille lorsque lui-même est en garde partagée. Cette norme proposée mettant en avant la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal, en plus de s’appliquer aux juges qui doivent mettre en œuvre l’article 898.1 C.c.Q., s’appliquerait également aux parties, qui sont soumises à l’article 898.1 C.c.Q. 

Les tribunaux semblent résister à cette proposition en raison du second alinéa de l’article 898.1 C.c.Q., selon lequel le droit relatif aux biens s’applique toujours aux animaux. Or, l’application du droit des biens aux animaux ne signifie pas nécessairement que la garde de l’animal doive être confiée à la personne qui en détient le titre de propriété. En effet, le droit des biens reconnaît déjà que la propriété d’un élément n’emporte pas toujours sa maîtrise effective. Par exemple, en droit des familles, l’article 410 C.c.Q. permet au tribunal d’attribuer l’usage de la résidence familiale et des meubles qui servent au ménage à un des partenaires qui n’en est pas propriétaire. Pourtant, personne ne prétend que le droit des biens ne s’applique pas à la résidence familiale et à ses meubles. Ainsi, le droit des biens peut faire fi du titre de propriété lorsqu’il aménage la maîtrise matérielle d’un bien. D’ailleurs, le premier alinéa de l’article 898.1 C.c.Q. est lui-même une disposition spécifique relevant du droit des biens, puisqu’il constitue la disposition générale du livre « Des Biens / Property », du Code civil du Québec. Nous proposons donc de mettre en œuvre une approche à la propriété existant déjà en droit des familles, et ce, depuis plusieurs décennies. […]

En somme, notre approche préconise que la garde soit octroyée à la personne qui ne causera pas de souffrance indue à l’animal et qui satisfera ses impératifs biologiques.  

[Le Tribunal souligne et références omises]

[80]      Toutefois, le Tribunal rappelle que dans le présent dossier, Madame ne demande pas de déterminer le droit de propriété, la garde ou le droit d’usage sur Love mais bien que le Tribunal lui transfère le droit de propriété sur Love.

[81]      Or, bien que le Tribunal puisse juger approprié d’adopter une approche globale, fondée à la fois sur le titre de propriété et sur la sensibilité et les impératifs biologiques d’un animal pour octroyer, dans certains cas et lorsque les circonstances le justifient, la garde ou les droits d’usage d’un animal à une partie, ce n’est pas ce qui lui est demandé en l’espèce.

[Soulignements du tribunal ; gras ajoutés ; références omises] 

Là encore, bien que le tribunal n’ait pas eu à se prononcer sur la garde de Love, il souligne explicitement la pertinence d’une approche adaptée à la sensibilité et aux impératifs propres à l’animal, s’inscrivant dans une jurisprudence qui prend véritablement en considération l’article 898.1 C.c.Q. ainsi que les conséquences normatives qui en découlent.

Conclusion 

Ces décisions récentes marquent un tournant significatif dans la manière dont les tribunaux québécois envisagent la place de l’animal dans les litiges familiaux. En reconnaissant que l’animal est un être doué de sensibilité ayant des impératifs biologiques, les juges ouvrent la voie à une analyse qui dépasse le titre de propriété. Si le titre peut demeurer pertinent, il n’est plus suffisant à lui seul pour trancher l’avenir d’un animal lors d’une séparation. L’évolution jurisprudentielle, inspirée par une doctrine déjà bien établie, illustre la volonté croissante de rapprocher le droit des réalités vécues par les familles et par les animaux qui en font partie. Cette jurisprudence émergente propose une transition vers une approche plus nuancée et respectueuse du bien-être animal, qui pourrait, à terme, transformer durablement la place de l’animal dans le droit de la famille au Québec.

Dans le contexte d’une ordonnance de sauvegarde, consultez « La garde de l’animal de la famille lors d’une séparation : commentaires sur Fortier c. Geoffroy-Béliveau » et Droit de la famille — 25605, (2025 QCCS 2978). 


[1] Alain Roy, « La garde de l’animal de compagnie lors de la rupture conjugale », (2022) 51:1 Revue de droit de l’Université de Sherbrooke 249.

[2] Alexandra Popovici, « Chercher la petite bête : les animaux dans le Code civil du Québec », dans Nathalie Vézina, Pascal Fréchette et Louise Bernier (dir.), Mélanges Robert P. Kouri : L’humain au cœur du droit, Montréal, Yvon Blais, 2021. 

[3] Michaël Lessard et Marie-Andrée Plante, « L’animal de la famille : un sujet sensible », (2022) 52:3 Revue de droit de l’Université de Sherbrooke 729.

La garde de l’animal de la famille lors d’une séparation : commentaires sur Fortier c. Geoffroy-Béliveau

Résumé : Les professeur·es Marie-Andrée Plante et Michaël Lessard commentent Fortier c. Geoffroy-Béliveau, une récente décision dans laquelle la Cour du Québec émet une ordonnance de sauvegarde prévoyant la « possession en alternance » du chien d’un couple qui se sépare. Elle et il offrent une analyse du statut de l’animal en droit québécois depuis la réforme du droit animalier de 2015, la relation entre le respect de l’animal et le droit des biens, le vocabulaire pour saisir l’animal en droit, le préjudice sérieux et irréparable justifiant l’ordonnance de sauvegarde, et le partage d’un animal en copropriété indivise.

Pour en apprendre plus sur la théorie des professeur·es Plante et Lessard, consultez l’article « L’animal de la famille lors d’une séparation : un sujet sensible » paru dans la Revue de droit de l’Université de Sherbrooke.

Le texte qui suit a initialement été publié sur La Référence.

INTRODUCTION

La question de la garde de l’animal de la famille en contexte de séparation conjugale se révèle d’une complexité plus grande qu’il n’y paraît à première vue. Alors que l’on pourrait croire qu’elle peut se résoudre par la simple application des règles de la propriété, cette certitude s’est effritée depuis la déréification de l’animal en 2015, consacrée par l’introduction de l’article 898.1 au Code civil du Québec (C.c.Q.). Cette disposition prévoit que les animaux ne sont plus des biens ni des choses, mais plutôt des êtres doués de sensibilité et ayant des impératifs biologiques. Face à cette nouvelle réalité juridique, une question s’impose : la garde de l’animal lors d’une séparation devrait-elle être aménagée en fonction de sa sensibilité et de ses impératifs biologiques ?

La décision Fortier c. Geoffroy-Béliveau[1], rendue en juin 2024, illustre avec acuité les défis entourant de telles situations. Dans cette affaire, en contexte de séparation conjugale, l’un des conjoints s’adresse au tribunal afin d’obtenir la propriété exclusive du chien adopté conjointement pendant la vie commune du couple. Or, plutôt que d’attribuer la garde exclusive à un seul conjoint, le juge Daniel Lévesque de la Cour du Québec émet une ordonnance de sauvegarde prévoyant la « possession en alternance » du chien, afin de prévenir qu’un préjudice sérieux et irréparable ne survienne si l’animal était confié uniquement à l’un des deux conjoints.  

Nous analyserons ici cette décision afin de réfléchir aux enjeux entourant l’animal en droit de la famille, et plus généralement, en droit civil québécois, à la lumière des changements législatifs ayant consacré l’animal comme être doué de sensibilité et ayant des impératifs biologiques. 

Nous examinerons d’abord (I) les faits et (II) les motifs de cette décision, pour ensuite offrir (III) des commentaires sur (A) le statut de l’animal en droit québécois depuis la réforme du droit animalier de 2015, (B) la relation entre le respect de l’animal et le droit des biens, (C) le vocabulaire pour saisir l’animal en droit, (D) le préjudice sérieux et irréparable justifiant l’ordonnance de sauvegarde, et (E) le partage d’un animal en copropriété indivise. 

I— LES FAITS

Alexandre Fortier et Paule Geoffroy-Béliveau ont acquis[2] un chien nommé Hat’i d’Urajiro ou Hatï lors de leur vie commune qui a pris fin en novembre 2023. Depuis, Geoffroy-Béliveau conserve l’animal. Les parties reconnaissent être copropriétaires en parts égales du chien. Fortier s’adresse au tribunal afin que la propriété exclusive de l’animal lui soit attribuée dans le cadre d’un partage du chien assimilé à un « bien indivis ».

En cours d’instance, Fortier demande au tribunal qu’il émette une ordonnance de sauvegarde prévoyant que les parties obtiennent en alternance la possession du chien. Il soutient que les parties ont conclu une entente prévoyant cette possession en alternance, mais Geoffroy-Béliveau nie l’existence d’une telle entente. La décision porte sur cette demande d’ordonnance de sauvegarde. 

II— LA DÉCISION

Le juge Daniel Lévesque de la Cour du Québec ordonne, à titre de mesure de sauvegarde, que les parties bénéficient en alternance de la possession du chien chaque mois. 

Le chien est soumis au régime de la copropriété indivise. Le juge met en relief que l’article 1016 C.c.Q. prévoit que chaque indivisaire peut se servir du bien indivis, à la condition de ne porter atteinte ni à sa destination ni aux droits des autres indivisaires. De plus, l’article 1026 C.c.Q. dispose que les décisions relatives à l’administration du bien sont prises à la majorité des indivisaires, en nombre et en parts. 

En outre, le juge relève que l’article 898.1 C.c.Q. reconnaît la sensibilité des animaux et commande que leurs impératifs biologiques soient considérés dans les décisions qui les concernent. 

Le juge estime que, en l’espèce, rien dans la preuve ne suggère que le tribunal devrait déroger aux principes afférents à la copropriété afin de respecter la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal. En effet, il n’y a aucune allégation de maltraitance de l’animal ou d’incompétence pour en assurer les soins. La preuve démontre plutôt que chaque partie a un intérêt marqué et sincère pour la santé et le bien-être du chien. Geoffroy-Béliveau estime que l’alternance de possession pourrait nuire à la santé psychologique du chien qui semble déjà anxieux. Le tribunal ne retient pas cette allégation en l’absence d’une expertise. En conséquence, le respect de la sensibilité et des impératifs biologiques ne semble pas s’inscrire en contradiction avec les règles de la copropriété. 

Geoffroy-Béliveau affirme également que la demande de Fortier s’inscrit dans un stratagème de violence conjugale. Selon le juge, la preuve suggère plutôt un intérêt profond de la part de monsieur pour le chien, soulignant qu’il n’a toutefois pas à se prononcer sur l’existence ou non de violence. Considérant ces allégations, le tribunal invite néanmoins les parties à convenir de modalités visant à minimiser leurs contacts advenant un jugement ordonnant l’alternance. Elles ont donc décidé que l’échange aurait lieu au poste de police de Longueuil dans l’espace muni d’une caméra et mis à la disposition de la population comme lieu d’échange, au rythme d’un mois chez chaque propriétaire. 

Une ordonnance de sauvegarde est de mise en l’espèce. Elle permettra notamment d’éviter, explique le juge, qu’un préjudice sérieux et irréparable soit causé à Fortier si Geoffroy-Béliveau continue à avoir la possession exclusive du chien pendant l’instance : 

« La perpétuation de la possession exclusive par [Geoffroy-Béliveau] pendant l’instance est susceptible de mettre à néant le lien que [Fortier] souhaite, tout comme [Geoffroy-Béliveau], maintenir avec l’animal. Permettre le maintien d’une situation qui déroge à ce qui paraît être le statu quo antérieur risque de rendre caduque la démarche [que Fortier] entreprend. Les avantages que l’une ou l’autre des parties voient dans le maintien de contact avec l’animal seraient irrémédiablement perdus, pendant la durée de l’instance, pour [Fortier] à défaut de l’émission de l’ordonnance.  

Le droit [de Fortier] au partage de la possession de l’animal en alternance et le préjudice irréparable qui résulte de la situation contraire sont suffisamment clairs et emportent des conséquences assez significatives pour justifier l’intervention urgente du Tribunal. »

Le juge ordonne donc, à titre de mesure de sauvegarde pendant l’instance, que les parties « bénéficient en alternance et exclusivement de la possession du chien », pour une période d’environ un mois à compter du premier dimanche de chaque mois. 

III— LES COMMENTAIRES 

Dans cette partie, nous effectuons d’abord (A) un survol des effets de la réforme du droit animalier de 2015 sur le statut de l’animal en droit québécois. Nous offrons ensuite des commentaires sur des aspects spécifiques de la décision, soit (B) la relation entre le respect de l’animal et le droit des biens, (C) le vocabulaire pour saisir l’animal en droit, (D) le préjudice sérieux et irréparable justifiant l’ordonnance de sauvegarde, et (E) le partage d’un animal en copropriété indivise. 

Ces réflexions permettent de mieux comprendre l’apport de la décision du juge Lévesque dans Fortier c. Geoffroy-Béliveau pour la jurisprudence et mettent en place des pistes afin de mieux répondre aux questions posées dans le cadre juridique québécois par la reconnaissance des animaux comme êtres sensibles.

A. Les effets de la réforme du droit animalier sur le statut de l’animal en droit québécois

La réforme du droit animalier de 2015 visait l’amélioration du statut juridique de l’animal. D’une part, la réforme a ajouté l’article 898.1 C.c.Q. en tant que disposition générale du livre quatrième « Des biens / Property » du Code civil du Québec. Cette disposition déréifie les animaux en déclarant qu’ils ne sont plus des biens ni des choses, mais plutôt des êtres doués de sensibilité et ayant des impératifs biologiques. En adoptant l’article 898.1 C.c.Q., le Parlement du Québec a ainsi ajouté à la summa divisio personne—chose une troisième catégorie, celle de l’être sensible / sentient being.

D’autre part, la réforme a mené à l’édiction de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (L.b.s.a.), qui établit de nouvelles protections, principalement pour les animaux domestiqués par l’être humain. Elle prévoit notamment une obligation de s’assurer du bien-être et de la sécurité des animaux en prodiguant les soins propres à leurs impératifs biologiques, ce qui inclut de satisfaire des besoins de base en nourriture et en eau, mais aussi des besoins plus complexes comme la stimulation et la socialisation[3]. Ainsi, la loi reconnaît l’existence d’intérêts individuels propres à chaque animal. 

La portée de la réforme devient toutefois difficile à évaluer à la lecture du second alinéa de l’article 898.1 C.c.Q. Le Parlement y a prévu que le droit des biens demeure applicable aux animaux. À première vue, il semble donc exister une tension entre les deux alinéas, l’un reconnaissant en droit les caractéristiques particulières des animaux et l’autre les assujettissant au droit des biens : 

898.1. Les animaux ne sont pas des biens. Ils sont des êtres doués de sensibilité et ils ont des impératifs biologiques.  

Outre les dispositions des lois particulières qui les protègent, les dispositions du présent code et de toute autre loi relative[s][4] aux biens leur sont néanmoins applicables. 
898.1. Animals are not things. They are sentient beings and have biological needs.   

In addition to the provisions of special Acts which protect animals, the provisions of this Code and of any other Act concerning property nonetheless apply to animals. 

La jurisprudence et la doctrine travaillent à mieux définir la relation entre ces deux alinéas. La question de la garde de l’animal de la famille s’inscrit au coeur de cette réflexion. Le jugement dans Fortier c. Geoffroy-Béliveau illustre cette tension. Devrait-on aménager la garde de l’animal en fonction de sa sensibilité et de ses impératifs biologiques ? Ou devrait-on remettre l’animal à la conjointe ou au conjoint titulaire du titre de propriété ? 

Selon nous, la première interprétation – celle voulant que la garde de l’animal soit aménagée en fonction de sa sensibilité et de ses impératifs biologiques – doit primer. Puisque nous avons déjà offert le détail de notre analyse dans l’article « L’animal de la famille lors d’une séparation : un sujet sensible » paru dans la Revue de droit de l’Université de Sherbrooke[5], nous nous permettrons qu’un résumé en ces pages. 

Nous sommes d’avis que la nouvelle catégorisation de l’animal comme être sensible, hors du spectre des choses, a une force normative. Il paraît contraire à la logique du droit civil qu’une recatégorisation puisse être perçue comme purement cosmétique ou négligeable, sans incidence sur le droit de la famille. Cette évolution, d’autant plus qu’elle résulte d’une initiative législative démocratique, devrait nécessairement produire des effets concrets sur les relations juridiques impliquant les animaux. D’ailleurs, la Cour d’appel du Québec a reconnu que l’article 898.1 C.c.Q. n’a pas qu’un effet symbolique et interprétatif, mais bien une force normative qui lui est propre. Dans Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, la Cour d’appel explique, sous la plume de la juge Marie-France Bich, que « [e]n affirmant que les animaux sont des êtres doués de sensibilité, ayant des impératifs biologiques, le législateur dicte du même coup la conduite que doivent avoir tous ceux et celles qui interagissent avec de tels êtres. Cette disposition, qui a donc valeur de norme comportementale […] »[6].

Nous croyons ainsi que, afin de donner effet à la norme comportementale qui découle de la reconnaissance de la sensibilité et des impératifs biologiques des animaux, la garde de l’animal doit être aménagée de manière à respecter sa sensibilité et à satisfaire ses impératifs biologiques. Cela pourrait impliquer d’attribuer la garde de l’animal à la partie qui saurait le mieux respecter sa sensibilité et répondre à ses impératifs biologiques. Il pourrait également s’agir d’instaurer une garde partagée entre les parties, voire de permettre à l’animal de suivre l’enfant de la famille dans le cadre d’une garde partagée. Cette norme, axée sur la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal, s’appliquerait tant aux juges devant mettre en oeuvre l’article 898.1 C.c.Q. qu’aux parties concernées, également soumises à cette disposition.

En conséquence, nous croyons que depuis la réforme, il ne convient plus de penser les relations entre êtres humains et animaux en droit civil québécois dans une logique et un vocabulaire de propriété et de droits subjectifs[7]. Avant la réforme de 2015, l’animal était un bien meuble, un objet de droits. L’être humain propriétaire exerçait envers ce bien son droit de propriété, c’est-à-dire son droit « d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien »[8]. En tant que droit subjectif par excellence – c’est-à-dire comme prérogative juridique que le titulaire exerce dans son propre intérêt[9] –, le droit de propriété était exercé dans l’intérêt du propriétaire. Même s’il existait certaines limites à son exercice, le droit de propriété demeurait une prérogative qui n’impliquait pas la prise en compte de l’intérêt intrinsèque de l’animal pour lui-même.

L’avènement de l’article 898.1 C.c.Q. et de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal ont, selon nous, modifié la nature juridique de la relation entre l’humain et l’animal. En effet, le droit impose désormais un vaste ensemble d’obligations visant à assurer le respect de la sensibilité de l’animal et la satisfaction de ses impératifs biologiques, obligations qui forment plus que de simples restrictions au droit de propriété. Ces obligations, par leur ampleur, s’opposent à la possibilité de la personne propriétaire d’agir dans son propre intérêt et elles servent plutôt l’intérêt de l’animal lui-même à vivre dans le bien-être et la sécurité. 

Dans cette perspective, le paradigme et le discours fondés sur le droit de propriété et les droits subjectifs doivent, à notre avis, être abandonnés lorsqu’il s’agit de saisir la réalité du droit québécois, car ils ne permettent plus de rendre compte fidèlement des spécificités juridiques de la relation entre l’humain et l’animal.

D’un point de vue pratique, le régime de l’administration du bien d’autrui, tel que prévu par le Code civil du Québec, et les pouvoirs juridiques qui en découlent (qui constituent des prérogatives juridiques qu’un titulaire exerce en fonction d’un intérêt autre que le sien[10]) apparaît comme le cadre le plus adéquat pour régir les nouveaux paramètres de la relation entre l’être humain et l’animal. Nous détaillons dans notre article les implications de l’application de ce régime. En substance, il implique que toute personne ayant la garde d’un animal, qu’elle en soit « propriétaire » ou non, doit, en toutes circonstances, exercer ses pouvoirs dans le respect de la sensibilité de l’animal et en veillant à la satisfaction de ses impératifs biologiques. Ainsi, le « titre de propriété » et l’intérêt personnel du « propriétaire » ne devraient plus, à notre avis, constituer le critère central guidant les tribunaux en matière de droit familial. Nous soutenons plutôt que la garde de l’animal de la famille devrait désormais être aménagée en fonction du respect de sa sensibilité et de la satisfaction de ses impératifs biologiques.

Voyons voir comment ces constats peuvent nous éclairer sur la décision à l’étude. 

B. La relation entre le respect de l’animal et le droit des biens 

La décision dans Fortier c. Geoffroy-Béliveau offre des pistes de réflexion sur la relation unissant le droit des biens au respect de l’animal. En effet, le juge se préoccupe de l’existence d’une incompatibilité possible entre le régime de la copropriété, qu’il estime s’appliquer au dossier, et le respect de la sensibilité et des impératifs biologiques de l’animal. Il souligne d’ailleurs que l’article 898.1 C.c.Q. exige que ces impératifs biologiques des animaux « doivent être considérés dans les décisions qui les concernent »[11], ce qui est en accord avec notre proposition et, selon nous, les enseignements de la Cour d’appel. 

Une première étape de son raisonnement est donc d’évaluer si une telle incompatibilité existe en l’espèce. Il relève alors qu’aucune preuve de maltraitance de l’animal ni d’incompétence pour en assurer les soins n’a été faite. Ainsi, l’on peut présumer que chaque partie serait à même de respecter la sensibilité du chien et de satisfaire ses impératifs biologiques. Le juge met également en relief l’intérêt profond et sincère que chacune des parties éprouve envers le chien. Ainsi, en l’absence de contradiction entre le régime de la copropriété et la reconnaissance de la sensibilité et des impératifs de l’animal, le juge examine la demande qui lui est faite en appliquant les règles de la copropriété. 

La reconnaissance par le juge que l’article 898.1 C.c.Q. commande de considérer la sensibilité et les impératifs biologiques de l’animal mérite d’être soulignée. La décision laisse entendre que ces considérations auraient pu militer en faveur d’ajustements dans l’exercice de la copropriété. 

En l’espèce, ces considérations ne se sont pas opposées à l’application des règles de la copropriété. Il est donc impossible de savoir comment le juge aurait tranché la question s’il en avait été autrement. Une telle réflexion devra être entamée pour résoudre cet enjeu dans une telle éventualité. Comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, nous sommes d’avis que les considérations relatives au respect de la sensibilité de l’animal et à la satisfaction de ses impératifs biologiques doivent primer sur les considérations liées au « droit de propriété ».

C. Le vocabulaire pour saisir l’animal en droit 

Un aspect notable du jugement réside dans le choix du vocabulaire employé par le tribunal pour appréhender l’animal en droit. Par exemple, à plusieurs reprises au sein de la décision, le tribunal privilégie des termes tels que « possession en alternance », « partager la possession » ou « transfert de possession » pour décrire la relation des parties avec l’animal.     

Il est probable que cette approche vise à éviter l’emploi du terme « garde ». En effet, nos recherches jurisprudentielles concernant le statut des animaux au sein des familles montrent une certaine hésitation des tribunaux à utiliser le mot « garde » en ce qui les concerne, ce terme étant souvent employé pour la garde des enfants, et par conséquent, jugé inapproprié pour les animaux[12]. Mais peut-être cette approche vise-t-elle tout autant à éviter l’emploi du terme « propriété », perçu comme inadapté pour désigner l’animal et la place singulière qu’il occupe au sein des familles. En cela, dans les yeux du tribunal, le terme « possession » devient possiblement une solution intermédiaire plus intéressante.

Or, nous croyons que l’expression de « garde » est ici bel et bien le vocabulaire approprié, et que le terme « possession » est quant à lui inadapté dans le contexte de cette affaire, et plus généralement, pour envisager la place de l’animal en droit.

D’une part, il nous paraît plus approprié d’utiliser le terme de garde plutôt que de celui de possession depuis la reconnaissance de la sensibilité de l’animal. En effet, bien que le second alinéa de l’article 898.1 C.c.Q maintienne l’animal sous le régime du droit des biens, le premier alinéa consacre désormais que l’animal n’est plus considéré comme un bien/a thing en droit québécois. Dès lors, le terme « possession », qui dans son acception courante évoque la détention d’un objet dont on pourrait disposer à sa guise, semble inapproprié pour désigner un être doué de sensibilité. La reconnaissance de cette sensibilité exige un vocabulaire qui reflète davantage la nature particulière de l’animal et des liens qu’il entretient avec les êtres humains. Rappelons que ces relations ne s’accordent plus, à notre sens, avec le paradigme du droit de propriété et des droits subjectifs. En cela, le terme « garde » nous semble mieux convenir à cette nouvelle réalité juridique. Il implique de « garder » l’animal pour lui-même, dans le respect de sa sensibilité et de ses impératifs biologiques, plutôt que d’envisager cette relation sous l’angle des intérêts personnels du gardien, ce que le terme « possession » suggère implicitement.

D’autre part, bien que le jugement semble ici employer le terme « possession » dans son sens courant – soit le fait de détenir, d’avoir quelque chose à sa disposition[13] – il nous semble plus judicieux d’employer le terme de garde afin d’éviter toute confusion avec la notion de possession au sens juridique.

En effet, d’un point de vue technique et qui demeurerait dans le paradigme de la propriété, le choix lexical du tribunal ne semble pas correspondre à la notion de possession telle qu’elle est définie en droit des biens. L’article 921 C.c.Q.la définit comme « l’exercice de fait […] d’un droit réel dont on se veut titulaire ». La possession implique un élément matériel, le corpus, soit la maîtrise effective du bien. Celui-ci peut être exercé directement par le possesseur ou indirectement par l’intermédiaire d’une personne qui détient le bien. D’autre part, la possession implique également un élément intentionnel, l’animus, soit la volonté du possesseur de se présenter, aux yeux des tiers, comme titulaire d’un droit réel[14]. Essentiellement, la possession implique de se comporter, sur les plans matériel et intentionnel, de la manière attendue du titulaire du droit réel en question.

Dans le cadre de la copropriété, une personne copropriétaire peut avoir la possession de l’animal, au sens juridique, même durant la période où elle n’est pas avec l’animal. En effet, la continuité de la possession n’implique pas un contact continu avec le bien. À titre d’exemple, tel que le souligne Sylvio Normand, une personne étant propriétaire d’un chalet ne voit pas sa possession interrompue si elle ne s’y rend pas l’hiver, car celui-ci n’est pas habitable à cette période de l’année[15] ; elle continue à avoir une maîtrise effective du bien même si elle n’est pas en sa présence et à avoir l’intention de se présenter comme titulaire du droit de propriété. Dans le cas de l’animal, une personne copropriétaire n’ayant pas la garde de l’animal de manière permanente – par exemple, parce qu’il est entendu que l’animal réside chez l’autre copropriétaire pendant certaines périodes de temps – ne perdrait pas pour autant sa possession au sens juridique chaque fois qu’elle ne serait pas en présence du chien. Dans cette période d’absence, elle a toujours la possession de l’animal puisqu’elle se comporte toujours comme le ferait le titulaire du droit, conformément aux particularités du « bien » en sa possession[16], ici un chien en garde alternée entre deux copropriétaires. Tant Fortier que Geoffroy-Béliveau ont en continu la possession de l’animal durant la période d’alternance. L’alternance de la garde de l’animal ne signifie pas l’alternance de la possession au sens juridique.

Ainsi, la garde de l’animal, exercée par l’autre copropriétaire, n’est finalement qu’une modalité d’organisation de la copropriété, sans incidence sur la continuité de la possession elle-même. Les deux copropriétaires demeurent donc possesseur et possesseuse. En l’espèce, il est donc inapproprié en droit de parler de « possession en alternance » dans le contexte d’une garde alternée d’un chien par deux copropriétaires. Encore une fois, le jugement semble employer ce terme au sens commun, ce qui peut se comprendre, mais cela peut créer une confusion avec le sens juridique de la notion de possession. 

Le choix du terme « possession » plutôt que celui de « garde » occulte par ailleurs le fait que le terme « garde » est déjà consacré par le Code civil du Québec pour parler de l’animal. En effet, l’article 1466 C.c.Q., qui traite de la responsabilité du fait des animaux, indique que « le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice que l’animal a causé, soit qu’il fût sous sa garde ou sous celle d’un tiers, soit qu’il fût égaré ou échappé », que l’on voit traduit en anglais dans le même sens par « whether the animal was under his custody» (nos soulignements)[17]. La notion de garde réfère, dans les mots du Dictionnaire de droit privé, au « [p]ouvoir de contrôle, de surveillance ou de direction exercé sur une personne ou une chose »[18]. La notion de garde est donc d’ores et déjà couramment utilisée pour parler de la relation entre un être humain et un animal en droit québécois et une réticence à l’égard de son usage n’a, selon nous, pas lieu d’être. 

D. Le préjudice sérieux et irréparable 

Nous souhaitons souligner que le juge s’intéresse à la relation particulière des parties avec l’animal lors de l’évaluation du préjudice sérieux et irréparable. Il explique que la « possession exclusive » par Geoffroy-Béliveau serait « susceptible de mettre à néant le lien que [Fortier] souhaite, tout comme [Geoffroy-Béliveau], maintenir avec l’animal »[19]. Le juge reconnaît alors la sociabilité de l’animal et que ses relations évoluent avec le temps. Le juge va même jusqu’à spéculer que le maintien de la « possession exclusive » « risque de rendre caduque la démarche [que Fortier] entreprend »[20]. Il ajoute que « [l]es avantages que l’une ou l’autre des parties voient dans le maintien de contact avec l’animal seraient irrémédiablement perdus, pendant la durée de l’instance, pour [Fortier] à défaut de l’émission de l’ordonnance »[21]. Ainsi, le juge ne s’exprime pas en termes de jouissance d’un bien, mais bien par rapport à la qualité et au maintien des relations de l’animal en tenant compte que le maintien de ces relations dépend également de l’animal lui-même.

Le juge dépasse ici la simple considération de l’animal en tant qu’objet de propriété. En tenant compte de l’impact potentiel de la décision sur la relation entre l’animal et les parties, le juge souligne l’importance de préserver cette connexion émotionnelle et sociale. Cette approche reflète une reconnaissance croissante de l’animal comme un être ayant des liens affectifs qui lui sont propres, ce qui témoigne à notre avis d’une évolution dans la perception de l’animal en droit québécois, et qui est en adéquation avec les changements mis en avant par la réforme de 2015. 

E. Le partage d’un animal en copropriété indivise

Enfin, cette décision met en lumière un problème particulier lors d’une séparation conjugale concernant le sort d’un animal qui serait détenu en copropriété indivise. 

Bien que, selon nous, la prise en compte de la sensibilité de l’animal et de ses impératifs biologiques suffise à trancher un litige relatif à la garde de l’animal de la famille, nous souhaitons ici proposer quelques réflexions sur les modalités d’un tel « partage » lorsque l’on demeure dans le paradigme de la copropriété. Ces aspects, qui n’ont pas encore été explicitement abordés par les tribunaux québécois, pourraient soulever certaines difficultés.

En effet, en l’absence d’une entente entre les parties concernant l’animal de la famille, comme c’est le cas en l’espèce, celles-ci peuvent demander le partage du « bien » conformément à l’article 1030 C.c.Q., qui indique que nul ne peut être tenu de demeurer dans l’indivision.

En vertu de l’article 476 du Code de procédure civile, qui régit les pouvoirs du tribunal lorsqu’une personne copropriétaire indivise souhaite mettre fin à une indivision, le tribunal ne dispose que de deux moyens pour procéder au partage : le partage en nature ou la vente du bien. Ainsi, comme l’a souligné le juge dans la présente décision, le tribunal n’aurait pas le pouvoir d’attribuer la propriété exclusive de l’animal à l’une des parties, ni d’ordonner à l’une d’entre elles de racheter la part de l’autre pour mettre fin à l’indivision[22].

Il est évident que le partage en nature d’un animal est une impossibilité. Par conséquent, la seule option restante serait la vente de l’animal, une solution qui, si elle signifie la vente au plus offrant parmi les copropriétaires ou à un tiers, se révèle tout aussi inappropriée. En effet, l’objectif du recours est de déterminer laquelle des deux parties devrait se voir attribuer la garde de l’animal, et non de procéder au partage physique de celui-ci ou au partage de sa valeur. Le litige porte sur l’animal lui-même, ses gardien·nes voulant vivre au quotidien avec l’animal et maintenir leurs liens affectifs. Les règles classiques du partage apparaissent dès lors inadaptées à la situation.

Cette impasse pourrait être surmontée, selon nous, par l’imposition par le tribunal de modalités de vente spécifiques adaptées à la situation particulière de l’animal. En s’appuyant sur l’article 898.1 C.c.Q., le tribunal pourrait ordonner la vente de l’animal tout en accordant un droit prioritaire d’acquisition à la partie qu’il juge la mieux placée pour respecter la sensibilité et satisfaire les impératifs biologiques de l’animal, en fixant également un prix approprié.

On pourrait répliquer qu’il s’agit là d’une manière détournée de faire ce que le droit ne permet pas de faire directement. À notre avis, cette solution s’inscrit néanmoins dans le cadre du droit québécois. D’une part, une telle approche a déjà été adoptée dans le contexte du partage d’immeubles auxquels des parties avaient un attachement particulier[23]. De plus, elle est en      harmonie avec l’article 898.1 C.c.Q. qui, comme nous l’avons souligné, possède une portée normative et doit guider l’interprétation générale du Code civil, notamment les dispositions relatives à la copropriété, comme l’a d’ailleurs mentionné le tribunal lui-même. Une telle solution permettrait d’éviter que l’animal soit vendu sans considération à une personne qui n’est pas la plus à même de respecter sa sensibilité et de satisfaire ses impératifs biologiques. Certes, cette approche demeure ancrée dans le paradigme du droit de propriété et des droits subjectifs, mais, si l’on doit s’y conformer, elle apparaît comme une option plus respectueuse de la sensibilité animale.

CONCLUSION

La décision dans Fortier c. Geoffroy-Béliveau met en relief les défis juridiques posés par la garde d’un animal en cas de séparation familiale, particulièrement en contexte de copropriété indivise. Le jugement met en évidence la nécessité d’ajuster les mécanismes juridiques traditionnels pour tenir compte de la sensibilité des animaux et de leurs impératifs biologiques, conformément à l’article 898.1 C.c.Q. La décision fait un pas dans la bonne direction en reconnaissant que cette disposition commande le respect de la sensibilité de l’animal et la satisfaction de ses impératifs biologiques, et donc que ces considérations doivent être intégrées à la réflexion juridique. 


[1] Fortier c. Geoffroy-Béliveau2024 QCCQ 2809.

[2] Précisons que, dans l’exposé des faits et des motifs de la décision, nous utilisons un vocabulaire qui associe parfois l’animal à une chose ou un bien (« acquérir », « possession », « (co)propriété », etc.), dans la mesure où il s’agit du langage employé par le tribunal et les parties elles-mêmes. Dans le reste de ce commentaire, nous privilégierons un vocabulaire que nous jugeons plus conforme à la reconnaissance des animaux comme êtres en droit québécois.

[3] Notons cependant que l’article 7 L.b.s.a. suspend cette obligation en contexte d’activités d’agriculture, de médecine vétérinaire, d’enseignement ou de recherche scientifique pratiquées selon les règles généralement reconnues. 

[4] « L’article 898.1 C.c.Q. semble en effet souffrir d’une faute de grammaire. Sans l’ajout d’un “s” à “relative”, la première partie de la préposition “les dispositions du présent code et de toute autre loi relative aux biens leur sont néanmoins applicables” signifie que “les dispositions du présent code […] leur sont néanmoins applicables”. Ce libellé ne spécifierait alors pas quelles dispositions du Code civil s’appliquent. Il semble toutefois évident que l’intention de l’Assemblée nationale était que seulement les dispositions relatives aux biens s’appliquent (et non pas celles relatives aux personnes !).  Elle voulait donc plutôt dire que “les dispositions du présent code […] relative[s] aux biens leur sont néanmoins applicables”. Or pour ce faire, l’ajout d’un “s” est nécessaire. », Michaël LESSARD, « Le droit de vie et de mort sur l’animal : quelle évolution depuis la reconnaissance des animaux comme êtres sensibles ? » (2021) 55:1 Revue juridique Thémis de l’Université de Montréal 137, p. 144. 

[5] Michaël LESSARD et Marie-Andrée PLANTE, « L’animal de la famille lors d’une séparation : un sujet sensible » (2023) 52:3 Revue de droit de l’Université de Sherbrooke 729.

[6] Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 2187, par. 57. 

[7] Cette position s’inscrit dans la lignée des travaux de la professeure Alexandra Popovici ; voir Alexandra POPOVICI, « Chercher la petite bête : les animaux dans le Code civil du Québec », dans Nathalie VÉZINA, Pascal FRÉCHETTE et Louise BERNIER (dir.), Mélanges Robert P. Kouri : L’humain au coeur du droit, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2021, p. 131. 

[8] Art. 947 C.c.Q.

[9] CENTRE PAUL-ANDRÉ CRÉPEAU DE DROIT PRIVÉ ET COMPARÉ, Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues. Les biens, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, sub verbo « droit2 ».

[10] Centre Paul-André Crépeau de droit privé et comparé, supra, note 9, sub verbo « pouvoir1 ».

[11] Fortiersupra, note 1, par. 9.

[12] Lessard et Plante, supra, note 5, p. 759-760.

[13] Centre Paul-André Crépeau de droit privé et comparé, supra, note 9, sub verbo « possession2 ».

[14] Sylvio NORMAND, Introduction au droit des biens, 3e éd., Wilson & Lafleur, Montréal, 2020, p. 392-393. 

[15] Ibid., p. 395.

[16] Ibid.

[17] Remarquons également que la notion de garde est employée à l’article 1465 C.c.Q. dans le contexte des biens, pour désigner la garde d’un bien. 

[18] Centre Paul-André Crépeau, supra, note 9, sub verbo « garde ».

[19] Fortiersupra, note 1, par. 16.

[20] Ibid., par. 16.

[21] Ibid.

[22] Voir Leblanc c. Lafrenière, 2023 QCCS 1443, par. 28 ; Droit de la famille – 22689, 2022 QCCS 1583, par. 83-84 ; Y.F. c. J.D., 2019 QCCS 2142, par. 24.

[23] Voir par ex. Droit de la famille – 22689, 2022 QCCS 1583, par. 89-91, 201.

Greenwashing and Indigenous Rights: The Hidden Consequences

Par Ines El Ghnimi, étudiante en droit (Université de Sherbrooke)

Introduction

The worsening environmental issues have prompted companies to pursue the development and marketing of eco-friendly products, yet greenwashing has become the buzzword of our generation, a shiny label that companies slap on their products to appear eco-friendly while often doing more harm than good. But beyond the misleading labels and empty promises lies a far more insidious issue – the impact on First Nation communities. In Canada, where the fight for environmental justice and Indigenous rights is a daily reality, greenwashing is not just a marketing ploy; it’s a threat to livelihoods, cultures, and the very land these communities have guarded for centuries.

As law students, it’s crucial for us to peel back the corporate sustainability claims and scrutinize the actual real-world impacts in relation to transnational and national law and how different legislations hold these corporations accountable and protect the rights of First Nation peoples. If we don’t, who will? This isn’t just about trees and clean water; it’s about justice, equity, and the preservation of cultures and ways of life that are inextricably tied to the environment. So, let’s dive into greenwashing and explore how we can advocate for truth, transparency, and real sustainability in a way that also respects First Nation communities. This analysis will focus on two major issues: (1) greenwashing and the failure of corporate disclosure and transparency and (2) the violation of environmental rights and indigenous land protections and how Canada tends to protect its Indigenous communities.  

1. Unmasking Greenwashing: Failure of Corporate Disclosure and Transparency

Before diving into this, let me explain why I consider greenwashing to be an important concept that isn’t spoken of enough. One day, I was enjoying an iced coffee through a paper straw when it started turning mushy and useless. Frustrated, I vented about how unfair it is that everyday people like us have to shoulder the burden of saving the planet. My friends assumed I didn’t care about the environment, but that wasn’t true. My frustration stemmed from a genuine concern for our planet and our future. Despite our efforts to make small, eco-friendly changes in our lives, the impact feels insignificant when viewed in the grand scheme of things. The real culprits behind climate change aren’t individuals but large corporations, driven by capitalism, that are responsible for the majority of environmental damages.

The intensifying heatwaves that we experience is a harsh reminder of the urgent need for systemic change. This frustration inspired me to write about greenwashing, a deceptive practice where companies falsely promote their products as environmentally friendly. I was further motivated by Me Meritxell Abellan Almenara, a doctoral student and lifelong advocate for environmental Indigenous justice all across the world whose dedication to fighting for the right causes along with doctoral candidate Ms. Camille Lemarié who presented her research and doctoral subject on greenwashing to the class inspired me to further look into the issue.

But what exactly is greenwashing, and why do big corporations find it so appealing? To address these questions, we will first address the failure of corporate disclosure and transparency by (1.1.) defining greenwashing and connecting it to (1.2.)environmentalism to better understand why it still persists in an era when climate change threatens the viability of life on our planet. Lastly, we will identify (1.3) two primary forms of this practice: (1.3.1.) vagueness and (1.3.2.) label misrepresentation and different legislations attempting to mitigate its effects.

1.1. What is Greenwashing?

Although some authors view greenwashing as too broad of a concept with no clear-cut definition, we are able to establish a framework to better understand this practice and its impact on the world[1]. By misleading the public into believing that a company or any other entity is doing more to protect the environment than it is, greenwashing promotes false solutions to the climate crisis that distract from and delay concrete action. It can be defined as “disclosing environmentally friendly activities in advertising campaigns to divert attention from environmentally hostile practices[2].” It manifests itself in several ways – some more obvious than others. Tactics include vagueness by being non-specific about operations or materials used and the use of misleading labels like “green” or “eco-friendly” that lack standard definition[3].

1.2 Greenwashing and Environmentalism

So, why do big corporations find greenwashing so attractive? This practice began in the 1960s, a time when environmental awareness began to influence consumer behavior[4]. As green consumers emerged, businesses saw an opportunity to capitalize on this trend. Instead of genuinely adopting sustainable practices, many companies used deceptive green marketing to appeal to these eco-conscious buyers. To simplify, greenwashing’s appeal is literally based on “the rise of environmental movements targeting companies that harm the environment”[5].  Companies are using consumer’s good faith in being willing to pay extra for eco-friendly products!

1.3 Two Faces of Greenwashing

            Greenwashing often shows through various (and very) deceptive strategies. Among the most common ones are (1) vagueness in environmental claims and (2) misrepresentation of eco-labels, both of which can mislead consumers and undermine genuine sustainability efforts. In this section, we will explore these two key forms of greenwashing, examining how they operate and their challenges. We will also discuss how different legislations are stepping in to mitigate the impacts of these practices and protect both consumers and the environment.

1.1.1. Greenwash Vagueness

According to TerraChoice, vagueness, the third sin of greenwashing, is defined as “a claim that is so poorly defined or broad that its real meaning is likely to be misunderstood by the consumer[6]”. One example of being vague would be for a label to say “All-Natural”. This expression is so vague that consumers might just take it for what it says on the product they want to buy. This is a form of greenwashing because the product may appear all-natural because of this expression, but what is all-natural? This tactic makes the consumer believe they’re making a better or safer product choice. These products often evoke nature by using earthy toned colors and sounds of nature in commercials, which is a strategy known as “executional greenwashing[7]”: the use of “nature-evoking elements in advertisements to artificially enhance a brand’s ecological image[8]”.

1.1.2. Label Misrepresentation

            Label misrepresentation, the fourth sin of greenwashing[9] involves companies using misleading certifications to deceive consumers into believing their products have undergone legitimate green certification processes. These false labels are often paired with images of certifications, but they actually create an illusion of environmental responsibility.

Canada addresses greenwashing, particularly in label misrepresentation, through the Competition Act, which prohibits false or misleading representations[10] and deceptive marketing practices. The Act cover both criminal and civil regimes. Under the criminal regime, “knowingly or recklessly making materially false claims” can lead to fines[11] or imprisonment[12]. The civil regime allows courts to impose monetary penalties, require corrective notices or order restitution for consumers misled by deceptive practices. This legal framework will help ensure that companies are held accountable for misleading claims. 

            In the United States, many greenwashing claims have been brought under various Acts in different states. In the state of New York, the New York’s General Business Law which prohibits “deceptive acts or practices in the conduct of any business or any service[13]” in the state. California, home to a large environmentally conscious population, has also taken the necessary steps to making legal actions for greenwashing more impactful. The California Consumer Legal Remedies Act, the Unfair Competition Act, both have provisions on greenwashing. 

If you would like to know more about how Canadian environmental associations tackle this issue : click here!

One thing that really stands out to me is how much more challenging it seems to regulate “all-natural” claims compared to labels that are outright false or misleading. The vague nature of terms like “all-natural” allows for endless interpretations, making it difficult to pinpoint exactly what these claims mean. That’s the power of vagueness – it slips through the cracks, allowing companies to appeal to our desire for healthier, more eco-friendly choices without having to back it up with real facts. On the other hand, false labels are much easier to catch and regulate. When a product blatantly lies about what it contains, the deception is obvious, and governments can step in to hold these companies accountable. This leads me to the critical point of how greenwashing directly impacts First Nations communities while they often bear environmental and social consequences caused by these companies, without the general population knowing of these issues.

2. Green Lies, Indigenous Struggles: The Real Impact of Greenwashing

As discussed previously, greenwashing is when large corporations hide their questionable and destructive practices under a green veil of ecological consciousness, which, in reality, it is not greenat all. Not only does it advance the agenda of large polluting corporations, but it also disregards the rights of First Nations, who often find themselves and their lands on the front lines of the impact of greenwashing. This section will discuss the relationship between First Nation communities, harmful practices from big corporations and Canada’s effort in addressing these issues. 

It’s deeply concerning how greenwashing by large corporations disproportionately harms these communities in Canada, often the guardians of their traditional lands. They’re frequently the first to suffer from the environmental degradation that accompanies corporate activities despite companies’ claims of being environmentally responsible. According to a report by the Canadian Association of Physicians for the Environment (CAPE), oil companies have been some of the worst offenders, using deceptive advertising to craft an image of sustainability while continuing harmful environmental practices that directly impact Indigenous peoples’ health and their lands[14] by polluting both water and land. The dishonest nature of greenwashing allows corporations to evade responsibility for their actions, masking the real environmental costs and making it harder for regulators and the public to hold them accountable[15]. This manipulation poses a threat to the environment, but it also infringes upon the rights of these communities who are often left to deal with the fallout of pollution on their lands and from a legal perspective, it is undeniable that this practice violates environmental laws and undermines the rights of Indigenous peoples guaranteed under treaties and Canadian law.

            However, Canada has been taking steps to address these issues, particularly by establishing partnerships that recognize Indigenous leadership in protecting the environment and combating climate change. According to the Government of Canada, Indigenous peoples are essential partners in climate action and this partnership is crucial if we want to uphold the very important legal duty our country has to consult and accommodate Indigenous communities in decisions affecting their lands and resources[16]. Section 35 of the Constitution Act of 1982[17] guarantees these rights*, but as discussed previously, greenwashing practices by corporations often bypass meaningful consultation, allowing for harmful projects to proceed on the name of sustainability[18]. For example, as explained by The Hill Times, Canada’s top banks have been financing fossil fuel projects that impact these communities’ lands while simultaneously branding themselves as leaders in sustainable finance[19]. Despite these legal frameworks, it is evident that we need stronger enforcement to make sure that the rights of Indigenous communities of Canada (and all around the world!) are respected and that we hold accountable these companies. It is important to note that this issue is not only isolated to Canada either. As discussed by Oil Change International, global oil companies have continued to increase their production while relying on carbon capture and other greenwashed methods to appear as though they are contributing to the energy transition while in reality, they are actually perpetuating harm to these lands and communities[20].

*During their first year of law school, all law students at the Faculty of Law at the University of Sherbrooke are required to take Constitutional Law II in which they have to read and analyze one particular decision[21] related to the principle of consent and negotiations between Indigenous communities and our Canadian government. If you would like to read it, here is the link.

Conclusion

Greenwashing isn’t just deceptive marketing – it perpetuates environmental harm and disproportionately affects First Nations communities. Corporations mask their unsustainable practices for money, leaving Indigenous people to suffer the consequences of environmental degradation and despite Canada’s legal frameworks, such as Section 35 of the Constitution Act, enforcement still remains weak, allowing these very harmful practices to continue.  While partnerships between the government and Indigenous communities are, yes, vital, they do fall short without any stronger regulatory oversight! In advocating for the truth and transparency, it is clear that law students, like myself and my peers, must continue to hold accountable any corporate practices and push for legal reforms that prioritize environmental justice, but only if it means protecting our Indigenous communities simultaneously, their traditions, their lands and their dignity.

In a world where corporate interests often overshadow environmental integrity, how long can we continue to ignore the deep scars of colonization and the enduring trauma inflicted on First Nations peoples before we truly reconcile with our past and honor their inherent rights to land, culture and justice?

A Final Reflection: Honoring the Strength Amidst Indigenous Trauma

It is no secret that Indigenous communities worldwide have endured countless atrocities due to mass colonialism – from Oceania (Australia and New Zealand) to Africa, from Canada to the remotest regions of Siberia, Russia. These communities have faced systemic racism (news flash: they still do – and if you’re curious to learn more, I’ve added articles on each of the regions mentioned), high suicide rates, substance abuse, low education and employment rates, and poverty[22]. Yet, despite their generational trauma, their resilience is inspiring. Their unwavering love, respect and commitment to protecting the nature they live in is truly a force to be reckoned with.

As Stephanie Joe from Pipikwan Pêhtâkwan public agency wrote:

“It’s important to remember that reconciliation cannot happen without the truth. When we speak of the truth in truth and reconciliation, it refers to the truth of how Indigenous Peoples have been treated by settlers and the Canadian government since the colonization of what is known as Canada”[23]. There is no reconciliation without truth and the process of amending years of colonization trauma starts with exposing corporations hidden behind greenwashing.


[1] Naseem, Sarfaraz et al., “Greenwashing: A Threat to Sustainable Development”, Sustainability, 14:8 (2022), 4431, online: MDPI. https://www.mdpi.com/2071-1050/14/8/4431.

[2] United Nations, “Greenwashing”, United Nation, (2023), online: https://www.un.org/en/climatechange/science/climate-issues/greenwashing

[3] Ibid.

[4] Green Business Bureau, “The Seven Sins of Greenwashing”, Green Business Bureau, (2023), online: https://www.greenbusinessbenchmark.com/archive/7-sins-of-greenwashing.

[5] TerraChoice Yilmaz, M.B. & Baybars, B., “A Critical Perspective on Greenwashing Under the Roof of Corporate Environmentalism” in E. Mogaji et al., eds., Green Marketing in Emerging Economies, Palgrave Studies of Marketing in Emerging Economies, (Cham: Palgrave Macmillan, 2022), online: https://doi.org/10.1007/978-3-030-82572-0_6.

[6] TerraChoice, The Six Sins of Greenwashing, (2007), online: TerraChoice.

[7] Parguel, Béatrice, Florence Benoit-Moreau & Cristel Antonia Russel, “Can evoking nature in advertising mislead consumers? The power of ‘executional greenwashing’”, International Journal of Advertising, 34:1 (2015), 107-134.

[8] Ibid.

[9] TerraChoice, The Six Sins of Greenwashing, (2007), online: TerraChoice.

[10] Competition Act, RSC 1985, c. C-34, s. 52(1).

[11] Ibid. s.52(5)(b).

[12] Ibid. s. 52(5)(a).

[13] General Business Law, Deceptive acts and practices unlawful, NY Gen Bus L § 349(a) (2024).

[14] Canadian Association of Physicians for the Environment (CAPE), Report highlights greenwashing practices from Big Oil and Gas harming health, climate and affordability, (February 2024), online: CAPE. https://cape.ca/press_release/report-highlights-greenwashing-practices-from-big-oil-and-gas-harming-health-climate-and-affordability/.

[15] Earthjustice, “For Big Oil and Gas, Greenwashing is the New Climate Denial”, (12 July 2023), online: Earthjustice. https://earthjustice.org/blog/2023-july/for-big-oil-and-gas-greenwashing-is-the-new-climate-denial.

[16] Government of Canada, Indigenous Partnership for Climate Action, (last updated 28 April 2023), online: Government of Canada. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/climate-change/indigenous-partnership.html.

[17] Constitution Act, 1982, c. 11, s. 35.

[18] The Narwhal, “Competition Bureau investigates Greenwashing Practices by Major Corporations’, (10 june 2024), online: The Narwhal. https://thenarwhal.ca/competition-bureau-greenwashing-investigations/.

[19] Hill Times, “This Indigenous History Month, it’s time to hold Canada’s top bankers accountable”, (10 june 2024), online: The Hill Times. https://www.hilltimes.com/story/2024/06/10/this-indigenous-history-month-its-time-to-hold-canadas-top-bankers-accountable/424785/.

[20] Oil Change International, Big Oil Reality Check: Oil and Gas Companies Failing on Climate, (March 2024), online: Oil Change International. https://priceofoil.org/2024/03/01/big-oil-reality-check/.

[21] Tsilhqot’in Nation v. British Columbia, 2014, SCC 44, [2014] 2 SCR 257, online: https://decisions.scc-csc.ca/scc-csc/scc-csc/en/item/14246/index.do

[22] Statistic Canada, “Serious problems or disputes experienced by First Nations people living off reserve, Métis and Inuit living in the provinces”, Government of Canada, (March 2023), online: https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/41-20-0002/412000022023003-eng.htm

[23] Stephanie Joe, “What does Truth and Reconciliation mean to you?” pipkwan pêhtâkwan, (28 September 2022), online:  https://pipikwanpehtakwan.com/2022/what-does-truth-and-reconciliation-mean-to-you-1033

Numéro spécial : Whose Land is it anyway? A decolonial approach to immigration law

Sara Yacoub, Étudiante en droit

Immigration has been a topic of debate amongst politicians for the last decade, transforming into a matter of national security. In the last few years, tensions rising in Third World countries have led to waves of mass immigration, which causes rifts in public opinion as to whether the people who are fleeing war have the right to enter Canada, and if so, under which conditions.

While the Western World takes into consideration the risks associated with asylum seekers entering the country, we would rather shift the focus and tackle immigration with a decolonial lens, aiming to understand how colonization still affects Canada’s immigration policy as well as the international system’s immigration laws. To do so, we will first define the term “Third World” and offer alternatives to this obsolete term. Then, we will explain what constitutes a Third World Approach in International Law (TWAIL) and why it is important to consider such an analysis when discussing immigration law. After, we will highlight some of the discrepancies in Canada’s position regarding immigration, as well as how international immigration law propagates colonial ideas and continues to fuel the tensions in the Global South.

1.      Key concepts

1.1         How to define “The Others”?

Originally, the term “Third World” was used to describe the countries that did not join a camp during the Cold War, and thus were exploited, either by the United States of America or the Soviet Union, to gain hegemony on the international stage. Although that term is officially outdated, since the Berlin Wall fell on November 9, 1989, which was then followed by the Dissolution of the Soviet Union on December 25, 1991, and there has not officially been a second Cold War or an international event of the sort reported by historians, the term continues to be used in our daily basis. However, certain thinkers have reclaimed the term “Third World” to invoke a political reality, a direct attack on the Western hegemony of the globe.

Some prefer the term “Developing countries” vs “Developed countries” to point out the economic inequalities between the both and reflecting-war world. However, that term has also been deemed problematic by several authors: the term “developing” implies that the non-European and North American countries are lacking in economics, are less “smart”, and that this is the result of interior political choices, rather than centuries of colonization, genocide, and systemic violence brought on by the so-called “Developed countries”. Furthermore, what counts as “development”? While Western Countries might be richer than developing countries, they got these resources by invading and stealing from the latter. Is it realistic to compare two countries based on their economic development, if one of them colonized the other? The World Bank also classifies the world’s economies based on gross national income per capita using the Atlas method, but once again, using those statistics without taking into consideration the violent history that accompanies these numbers just whitewashes reality.

Finally, a term accepted nowadays is Global North and Global South. This term was created to highlight the similarities between countries that have previously been colonized to create some solidarity between them.

Throughout this text, the terms used will be either “Third World” or “Global South”, because they represent today’s political climate.

1.2         What is TWAIL?

The Third-World Approach to International Law was developed after the Second World War when countries of the Global South were liberated from direct European colonial rule. At the time, the United Nations Organization was developed: TWAIL thinkers see it as an extension of the imperial powers and another way to influence the developing countries into enforcing Western values. By establishing the UN, the Western powers were proposing a fake neutrality that would uphold Western values. Different economic organs under the UN would implement neoliberal policies and force developing countries into adopting them as a one-size-fits-all policy, even though in reality it was not the case. The Global South countries that were submitted to these trade agreements would then be economically dependent on the Western states and institutions, which renewed a cycle of exploitation not unlike the ones created during the late nineteenth century.

The TWAIL approach has three objectives: to deconstruct the uses of international law as a medium for the proliferation of a hierarchy of international norms that place the Europeans on top of the non-Europeans; to present an alternative for the current international system; and to eradicate the current socio-economic underdevelopment present in the Global South.

According to the TWAIL approach, international law is based on European values and norms. Europe is seen as the center of the world, Christianity as the basis for civilization, capitalism as innate in humans, and imperialism as a necessity. International law, more specifically the concept of sovereignty, developed through the treaty of Westphalia in 1648, was a crucial part of colonization and imperialism. European countries justified their invasion of the Global South by claiming that the people living in these areas needed to be introduced to “civilization”, which includes Christianity, capitalism, and white supremacy.

TWAIL is an anti-hierarchical, counterhegemonic movement, that aims to decentralize the Western world and its ideologies when discussing international problems. It fights to create a coalition between like-minded movements in all societies and avoids universalities.

2           Decolonizing the Law

2.1         Canadian Law

Canada prides itself on the international level as a haven for newcomers from their unstable homes. Hundreds of thousands of migrants travel to seek asylum in Canada every year. Yet, the very existence of Canada and its immigration policies seems contradictory upon closer inspection of the country’s history: Canada was founded by the genocide of its indigenous populations.

Genocide is defined as a “coordinated plan of different actions aiming at the destruction of essential foundations of the life of national groups, with the aim of annihilating the groups themselves.” Even though its legal definition wasn’t added until the end of the Second World War, the different Indigenous groups were, from the 18th century, victims of genocide perpetrated by British colonizers, and its effects are still felt to this day.

Moreover, though settlers did negotiate with the Indigenous people to own parts of the land in Canada through treaties, certain parts that aren’t populated with Indigenous groups are unceded, meaning that the Canadian government stole the land from Indigenous groups. It is hypocritical for the government to apply rigid measures as to who can enter this country when standing on stolen land, especially when its indigenous population is living in deplorable conditions, like lack of drinking water.

In addition, it is crucial to point out Canada’s involvement in several international conflicts in the Middle East, causing instability in the region and a rise in immigration in the Western world. Even though it sanctioned Bill C-47 in 2018, which added several criteria for the obtainment of a permit to export arms, and adhered to the Arms Trade Treaty in 2019, which would increase “the rigor and transparency of its export control regime”, its behavior has still not improved.

For example, Canada, in 2022, exported $1, 151 billion in military equipment to Saudi Arabia, making it its largest non-US export destination. Saudi Arabia is involved in many conflicts in the Middle East and is one of its richest countries. Political regimes in the Middle East tend to form alliances between them, usually based on each other’s affiliation with a religious group. For example, Iran and Saudi Arabia are often butting heads, either fighting each other directly or with proxy conflicts. Saudi Arabia sees itself as the dominating force for Sunni Muslims, and Iran sees itself as the leader of Shia Muslims. Therefore, when Sunni and Shia Muslims are fighting each other in different countries, Saudi Arabia backs the Sunnis, and Iran backs the Shias. Saudi Arabia intervened in Yemen in 2015, and its repercussions have caused a humanitarian crisis. Exporting arms to Saudi Arabia further destabilizes the country, which causes populations to flee to survive.

Saudi Arabia isn’t Canada’s only Middle Eastern export destination for arms. Canada also exports arms to Israel. In 2022, Canada exported over $21 million of military goods and technology and utilized  315 permits. This data is alarming: Israel has, since its creation, been a catalyst for a lot of conflicts in the Middle East. In 1948, shortly after the country was put in place, the Israeli government displaced over 700,000 Palestinians from their land and has been terrorizing, dispossessing, and committing atrocities on its Indigenous population. Furthermore, Israel has also annexed the Golan Heights in Syria, causing massive unrest in the region. Once again, faced with fear, families have no choice but to flee their homes in search of a better life.

Canada accepted 68% of its asylum applications in 2022, a higher number than we initially thought. However, once we take into consideration its involvement in the unrest in the Middle East, it seems hypocritical to make refugee claimants go through a process and determine whether they are eligible for asylum in Canada when the host country is partially to blame for the instability in their home country. We will even claim that Canada has a duty to accept all migrants from these countries because of their implication in said country.

2.2         International Law

To exist, international law requires sovereignty. What guides international law is the will of the sovereign states to be bound by some supranational power, while still not losing their internal power. As stated previously, the modern state was created through the Treaty of Westphalia. By using the terra nullius argument, which states that sovereign countries are allowed to claim any land that doesn’t belong to another state, European countries were able to invade, colonize, and strip indigenous groups of their culture. This justified the atrocities committed by Western nations since they weren’t committing them against what was considered at the time “legitimate states”.

International law is based on Western ideas about land ownership, which don’t coincide with many different Indigenous groups’ relationship with the land. The latter do not believe in possession of land but see themselves as an inseparable part of the earth, and so have a relationship based on reciprocity and respect with the land. Therefore, Indigenous people do not believe in conquering the earth, which is in direct contradiction with the basic principles of international law.

In addition, another important concept in international law, as well as immigration law, is borders. Borders can be physical – such as the wall between Mexico and the United States. Most borders in Third World countries are man-made modifications that occurred during the colonization of these regions as a political maneuver to separate communities and cause tensions in the area, which would make it easier to conquer. For example, the Scramble for Africa, which occurred after the Berlin Conference of 1884-1885, was made by different colonial powers to claim land on the continent without causing a war between the European countries. This caused a lot of economic disadvantages in different African countries, too small to develop a viable economic market when it finally became independent, as well as civil wars.

            The international system is used as an instrument legitimization of states, which can erase history – and reality. Some Arab states dispute the very existence of Israel, claiming that it is a settler state created by Western powers to keep an eye on the Middle East. Nonetheless, Israel still has a seat as a state in the United Nations and goes further to contest the existence of Palestine and the right of Palestinians to self-determination. Giving Israel that seat includes them in the international system, and normalizes their occupation of Palestinian land, as well as their practices, described as apartheid and genocide. History shows that Palestine has always existed as a region, and Palestinians are indigenous to the land. Once again, international law enables settlers to attack indigenous communities.

International immigration law is based on colonial concepts of land, demonstrating remnants of imperialism. How can we determine whether someone is allowed to cross a border and remain on a piece of land when borders are manmade?

Conclusion

By instilling the international system, the Western powers can keep their hegemony on the rest of the world and maintain their hold on countries in the Third World. The system currently in place is upheld to spread Western norms across the globe. The Westphalian concepts of international law and the modern state is just one example: by pushing out this narrative, Western States are claiming that their point of view is the “right” one, and the only one, thus invalidating any other perspectives and epistemologies, such as several Indigenous groups’ relationship with the land. On an internal level, Canada plays the part of a welcoming nation; however, not only does it share a portion of the blame for the reason why so many people in the Global South are currently fleeing their homes, but its history shows that they got ownership of the land by committing horrific acts on its indigenous population for centuries, with effects still felt to this day. This brings us to ask the following question: can Canada determine who is illegal on stolen land?

Numéro spécial : Le droit sportif, vestige du traditionalism

Assya Si Ali, Étudiante en droit

Le 28 juin dernier, une professeure ainsi que deux étudiants furent poignardées lors d’un cours d’études de genre à l’Université de Waterloo en Ontario. Cette tragédie est à l’image d’une tendance politique et sociale montante : la montée de la transphobie. Cette tendance est particulièrement marquée aux États-Unis, nation pour laquelle la politique identitaire occupe une place fondamentale dans ses débats politiques. Depuis le début de l’année 2023 dans les juridictions étatiques américaines, 494 projets de lois anti-LGBTQ ont été présentés au sein de diverses législatures, la plupart de ces projets visant directement les personnes trans. Parmi ces projets de lois, quatre d’entre eux, interdisant la pratique des sports aux jeunes athlètes trans, furent adoptés par les quatre législatures respectives, s’ajoutant aux 18 états qui l’avaient fait avant eux. 

Les États-Unis ne sont pas les seuls à crouler sous le poids de cette hystérie politique, la communauté internationale étant aux prises avec le même débat. Dans les dernières années, les noms de Caster Semenya ou de Dr. Veronica Ivy (anciennement connue sous le nom Rachel McKinnon) ont fait couler l’encre des médias et des fédérations internationales de sport. En effet, la place des athlètes trans, intersexes et non-binaires dans la catégorie féminine est un enjeu complexe impliquant un travail prométhéen pour les fédérations sportives.  Une analyse de ce cadre révèle un traditionalisme marqué au sein de l’approche adoptée par les fédérations sportives, véhiculant une idéologie binaire en s’appuyant sur des fondements scientifiques extrêmement fragiles.   

Paternalisme, droit et sport féminin

La création des jeux olympiques n’ayant eu lieu qu’en 1922, les femmes n’ont que tardivement intégré le monde du sport. Freinée par le traditionalisme patriarcal, leur entrée s’est faite sur la base d’un consensus général quant à leur performance : les hommes sont biologiquement et par nature plus performants que les femmes, d’où la nécessité qu’elles aient leur propre catégorie compétitive. 

C’est par la suite que l’homme, à titre d’être plus performant et ayant autorité, s’est donné la tâche de protéger les disciplines sportives féminines des autres hommes (ce qui était appelé « sex fraud »). Ce fut dans le cadre de cette mission paternaliste des fédérations qu’apparurent les tests de féminité en 1966, des tests désignés de manière à dénicher les « fausses femmes », soit les hommes se déguisant en femmes cherchant à frauder. Initialement, les tests furent simples bien qu’humiliants pour les femmes : celles-ci devaient déambuler nues devant des gynécologues qui s’assuraient que celles-ci avaient des organes génitaux féminins. C’est ainsi que s’est développé la première définition légale d’une « femme » en droit du sport : une personne dont les organes génitaux sont féminins

La binarité, un mythe? 

Avec les développements scientifiques, ces examens furent complétés par des tests cytogénétiques en supplément. Il s’agit de tests au cours desquels une analyse des chromosomes de l’athlète (structure, présence du Y qui est masculin, etc.) sont observés à partir d’un échantillon de cellules. Cette méthode avait pour but d’offrir une tactique plus précise de vérification du sexe de l’athlète. Or, ces tests n’eurent pas l’effet escompté, révélant la diversité sexuelle existant à même la génétique. Le tableau suivant illustre bien cette multiplicité de possibilités ainsi que le fait qu’une personne n’étant pas XX peut tout de même être une femme au sens du test de féminité! 

Source : https://www.utpjournals.press/doi/pdf/10.3138/cbmh.28.2.339 

En bref, malgré le développement d’un test visant à préciser et standardiser la notion légale sous le droit sportif de la « femme », ce test a eu l’effet contraire de celui voulu. Celui-ci est venu remettre en question la binarité même du sexe, et par extension, la bi catégorisation du sport à l’image de cette binarité. Il est ainsi venu démontrer la fragilité de la définition légale d’une femme dans le droit, révélant que la notion est bien plus complexe et que l’approche traditionaliste de se saisir de la question, c’est-à-dire à travers l’approche binaire (« femmes » vs « homme »), est insuffisante d’un point de vue scientifique.   

La science moderne

De nos jours, le débat est plutôt centré sur la question des hormones. En effet, le débat génétique a été mis de côté en pathologisant toute configuration chromosomique ne rentrant pas dans les deux catégories binaires : femme XX ou homme XY. En d’autres termes, certains membres de la communauté scientifique ainsi que la société de façon plus générale ont décidé que toute personne n’étant ni XX ou XY ne serait que malade. Cette fausse idée a servi au maintien de la bi catégorisation dans le domaine du sport et persiste encore aujourd’hui à cette fin, excluant les personnes intersexes et a fortiori, excluant les femmes trans[1]

Aujourd’hui, c’est le débat hormonal qui prime au sein des fédérations sportives et de leurs règlements quant à la participation dans la catégorie « féminine ». Il s’articule principalement autour de la question des niveaux de testostérone, ainsi que de la différenciation des performances à partir de la puberté. Tel que nous l’avons vu durant la conférence du professeur Maisonneuve, l’écart de performance dû à la biologie[2] se crée à partir de la puberté des garçons. Leur production exponentielle de testostérone leur permet de développer une meilleure capacité cardiovasculaire (plus grands poumons, circulation d’oxygène dans le sang plus élevée, etc.) ainsi qu’une plus grande masse musculaire, de façon plus rapide. Cela leur permet d’une part, d’avoir une meilleure endurance et d’autre part, d’avoir généralement plus de force et de puissance. Ces deux aspects sont les deux avantages biologiques dont disposent les « hommes biologiques ». 

C’est sur la base de ces avantages que les fédérations sportives tentent de restreindre l’accès à la catégorie féminine pour servir l’objectif de l’équité sportive à travers le droit sportif. C’est en se basant sur cela que la participation des femmes trans est généralement exclue du sport. Il est en de même pour les personnes intersexes, qui ont généralement un taux de testostérone bien plus élevé.  

Cet avantage n’est toutefois pas autant significatif qu’on le croie.  Selon des études, celui-ci s’élève à approximativement 10% de différence, lorsque l’on compare le meilleur « homme » à la meilleure « femme ». De plus, il est important de rajouter que ce ne sont pas juste les avantages biologiques qui créent cette disparité : de nombreux facteurs sociaux l’influencent également. La socialisation genrée, le fait du développement des sports par les hommes ainsi que le sous-financement des activités sportives féminines[3], contribuent largement au développement un peu plus lent du sport féminin (coordination est développée plus tard notamment). Une simple étude biologique ne peut rendre compte de ce phénomène. 

En outre, il est intéressant de savoir que lors de l’hormonothérapie des femmes trans (processus au cours duquel celles-ci prennent soit des anti-androgènes et/ou de la progestérone ou des œstrogènes), celles-ci connaissent une baisse de leur performance sportive. Par exemple, dans le cas de la coureuse et recherchiste Joanna Hasper, cette baisse était de l’ordre de 12%. Pour la cycliste Jillian Bearden, cette diminution était de l’ordre de 11%. Ainsi, cet écart est très similaire à l’écart qui sépare généralement les « femmes » des « hommes ». Il est toutefois à noter que le sujet manque encore de recherche, la recherche sur le sujet n’étant que récemment mise de l’avant. 

En bref, la question hormonale qui occupe les fédérations sportives dans leur régulation du sport à travers le droit sportif est bien moins déterminante qu’elle ne devrait l’être, les bases scientifiques étant également fragiles. 

Un cadre archaïque ?

Malgré sa grande évolution, le cadre juridique quant à cette question demeure tout de même archaïque et même dangereusement invasif. 

Depuis les années 1990, les tests de féminité ne sont plus obligatoires. Toutefois, ils peuvent tout de même y procéder s’ils considèrent certaines femmes suspectes. Afin d’y procéder, ils mesurent leur niveau de testostérone et prescrivent des anti-androgènes et la prise de d’autres substances hormonales afin de diminuer ce niveau. Ce cadre général mis de l’avant par le droit sportif est hautement critiqué, autant pour ses lacunes scientifiques que pour son atteinte aux droits fondamentaux des athlètes. 

D’une part, ce cadre qui vise à promouvoir l’équité sportive est clairement fondé sur la bi catégorisation sportive et ainsi, la binarité. Or, tel que l’a constamment révélé la science particulièrement à travers la cytogénétique, le sexe n’est réellement pas binaire. Une personne peut avoir une combinaison de traits qui n’appartiennent pas uniquement à une seule des deux catégories. Ainsi, de fonder l’entièreté de ce système juridique sur la binarité semble archaïque à la lumière des découvertes scientifiques. De plus, de nombreux scientifiques estiment que les taux de testostérone ne sont pas l’instrument adéquat pour établir cette distinction des catégories. En effet, en se fondant sur l’étude GH-2000, ces derniers imputent la différence de performance non pas à la production plus élevée de testostérone, mais plutôt aux différences dans la masse corporelle maigre[4] (MCM). C’est ainsi que l’ensemble du cadre juridique encadrant cette question ne semble reposer que sur des bases fragiles, que la science ne peut appuyer malgré sa désignation comme motif principal. 

D’autre part, les procédures mises en place par ces fédérations sportives sont hautement invasives et portent atteinte à de nombreux droits fondamentaux de ces athlètes. Le cas de Caster Semenya est en l’exemple le plus connu.  L’obligation de thérapie hormonale, qui provoque de nombreux effets secondaires pouvant être gravement néfastes, porte certainement atteinte au droit à l’intégrité des athlètes. Il en est de même pour le droit à la dignité, le droit à la vie privée, le droit à l’emploi, etc. Les atteintes aux droits fondamentaux sont multiples et sévères. 

            Donc, le cadre juridique concernant cet enjeu semble coincé dans un traditionalisme prescrivant la binarité absolue, tout en portant atteinte de façon considérable aux droits des athlètes. Cette violation de leurs droits ne me semble aucunement justifiable étant donné la fragilité des fondements scientifiques utilisés pour l’appuyer. 

En conclusion, la question de la participation des athlètes trans et intersexes est une question complexe dans le droit sportif international.  Une analyse de l’historique des tests de féminité nous a permis d’observer la contradiction existant entre le discours juridique et le discours scientifique sur la binarité sexuelle, particulièrement au niveau de l’expression génétique du sexe. De plus, bien qu’il existe une différence en matière de performance sportive entre les « femmes » et les « hommes », elle est bien moins déterminante qu’on ne le croit, ce qui remet en question l’approche catégorique d’exclusion des femmes intersexes ou trans dans les compétitions sportives. Finalement, l’ensemble de cette analyse visait à démontrer le caractère archaïque du droit sportif sur la question, difficilement réconciliable avec la science, en plus des atteintes aux droits des athlètes et de leur sévérité. Il est à noter toutefois qu’il ne s’agit pas d’une analyse exhaustive de l’enjeu. En effet, un autre problème qui est souvent dénoncé par les athlètes intersexes est l’eurocentrisme dans les critères d’analyse des catégories, ouvrant la porte à la question de l’ethnicité dans la qualification juridique de la « femme » au sein du droit sportif. 


[1] Je conçois que j’ai peu parlé des personnes non-binaires. Non-binaire est une identification très large qui rejette le binarisme, mais est elle-même un spectre. Ainsi, les personnes non-binaires peuvent être nés homme ou femme, peuvent être sous hormonothérapie ou non, peuvent avoir effectué des chirurgies d’affirmations de genre, etc. Elles sont généralement différentes des personnes trans qui s’identifient aux catégories binaires homme ou femme, méritant une analyse sur la question qui leur est propre afin de ne pas généraliser. 

[2] Avant cela, tel qu’on l’a vu avec le professeur Maisonneuve, c’est la coordination due notamment à la socialisation genrée qui explique les différences de performance.   

[3] Ainsi que d’autres facteurs tels que les obstacles qui touchent tout particulièrement les filles dans le sport tels que la perte de confiance en soi. 

[4] Cet indicateur a une influence considérable sur la performance sportive, augmentant cette dernière. Tel que l’a révélé l’étude GH-2000, les « femmes » ont en moyenne 0,85 de la MCM des « hommes » et cela pourrait expliquer la différence de performance existante. De plus, la MCM est un facteur qui n’est pas influencé par la testostérone selon les recherches scientifiques. À noter que ce sujet manque encore de recherches scientifiques.

Numéro spécial : La fiscalité des entreprises à l’ère du numérique : enjeux et perspectives d’avenir quant à la détermination de la résidence aux fins de l’impôt

Claudie Jalbert, Étudiante au Barreau

À l’échelle internationale, les épisodes de confinement et de restrictions sociosanitaires en réponse à la pandémie de COVID-19 ont participé à l’accélération de la course au numérique, en plus de profiter aux entreprises multinationales déjà bien établies dans le cyberespace[1]. Les absents de la toile, quant à eux, ont payé le prix fort, alors que des baisses historiques des ventes au détail ont été enregistrées[2]. L’industrie canadienne du commerce au détail a d’ailleurs connu le pire bilan de son histoire en mars 2020, alors que ses ventes ont chuté de 10 %, ce qui correspond à des pertes se chiffrant à plus de cinq milliards de dollars[3]. Dans une économie de plus en plus mondialisée et numérisée, les entreprises n’assurant qu’une présence physique ne sont pas au bout de leurs peines. Le défaut d’adaptation du système de répartition des charges fiscales ne leur permet pas de faire le poids face à des concurrents aussi agressifs que les géants du Web. Autant à l’échelle nationale, qu’internationale, la nécessité d’un système fiscal à l’épreuve du temps se fait sentir. Lumière sur les enjeux de territorialité et de multilatéralisme ! 

Le système canadien d’imposition des sociétés, une passoire fiscale 

L’assujettissement à l’impôt d’une société est tributaire du lieu de sa résidence fiscale. Alors que les sociétés résidant au Canada sont assujetties à l’impôt national sur leurs revenus mondiaux, les sociétés étrangères ne le sont que pour la portion de leurs revenus issue d’une entreprise canadienne[4]

Conformément au paragraphe 250 (4) de la Loi de l’impôt sur le revenu[5] (LIR), une société constituée en territoire canadien est généralement réputée y être une résidente fiscale. Il en va de même d’une société dont les membres du conseil d’administration effectuent la gestion centrale et le contrôle à partir du Canada, un principe de common law dont l’application aux fiducies a été confirmée dans l’affaire Fundy Settlement c. Canada[6].  

Il convient cependant d’apporter une nuance fondamentale. Afin d’empêcher la double imposition d’une société procédant à des échanges et investissements transfrontaliers, bon nombre d’États ont négocié des conventions fiscales bilatérales prévoyant des règles de départage. Reposant sur des discussions ayant pris place dans les années 1920[7], ces conventions ne sont toutefois pas adaptées à la réalité numérique, une brèche exploitée par certaines multinationales désirant échapper à toute forme d’imposition, telles que Google Ireland Limited[8].  

Les sociétés résidentes ne sont pas les seules à passer à travers les mailles du filet. Bien que l’alinéa 2(3)b) de la LIR prévoit l’imposition des sociétés étrangères exploitant une entreprise en sol canadien, il ne trouve application que lorsque ladite entreprise se qualifie au sens de l’article 253 de la LIR. L’unique paragraphe de cette disposition susceptible de s’appliquer aux sociétés numériques est le suivant : 

b) [La société] sollicite des commandes ou offre en vente quoi que ce soit au Canada par l’entremise d’un mandataire ou préposé, que le contrat ou l’opération ait dû être parachevé au Canada ou à l’étranger ou en partie au Canada et en partie à l’étranger.[9] 

Les sociétés non-résidentes du numérique exerçant aisément leurs activités en ligne sans que ne soit mobilisé un mandataire ou un préposé, bon nombre d’entre elles échappent à toute charge fiscale canadienne. Alors qu’une réforme législative visant leur assujettissement est proposée par plusieurs acteurs, il importe de garder à l’esprit que toute entreprise étrangère résidant dans un pays signataire d’une convention fiscale bilatérale avec le Canada serait exemptée de toute façon[10]1.  

L’« établissement stable », un concept à redéfinir  

Même une société se qualifiant comme étant étrangère au sens de la législation interne est susceptible d’être exemptée de l’impôt canadien sur le revenu si sa résidence est établie dans un pays signataire d’une convention fiscale bilatérale avec le Canada et qu’elle ne dispose pas d’un établissement stable exploité sur le territoire[11]

Le concept d’« établissement stable » est largement répandu dans les conventions auxquelles prend part le Canada. L’article V de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune le définit comme désignant une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle un résident d’un État contractant exerce tout ou partie de son activité[12]. Le critère applicable à des fins d’imposition en est donc un d’ordre purement matériel, ne tenant pas compte de la réalité numérique. Conséquemment, l’intangibilité des sites Web fait obstacle à leur reconnaissance en tant qu’établissement stable. Les sociétés numériques ont donc tout intérêt à n’exister que dans le nuage, ce qui nuit à la perception des recettes publiques et participe au déplacement de la charge fiscale vers les entreprises physiques et les citoyens. 

Un accord multilatéral à l’échelon mondial, une solution à privilégier selon le Parlement européen[13] 

Le Parlement européen « estime qu’une solution internationale ambitieuse et harmonisée est largement préférable à un ensemble d’impositions numériques nationales et régionales sources de risques éventuels »[14]. Une position compréhensible au regard de l’efficacité douteuse des critères fiscaux non coordonnés qui trouvent toujours application. 

Malgré les efforts déployés par le cadre inclusif de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) afin de parvenir à un consensus mondial sur une réforme multilatérale du système fiscal international, les délais initialement établis pour la conclusion d’un accord international ont dû être repoussés en raison de la soudaine apparition de la maladie à coronavirus[15]. Le retour à la table de négociation ne s’est toutefois pas fait attendre bien longtemps. Le 4 novembre 2021, ce sont 137 juridictions qui ont adhéré à un plan de mise en œuvre d’une solution reposant sur deux piliers développés par le groupe de réflexion sur l’économie numérique du BEPS[16]. Les discussions qui ont suivies ont menées à la sortie de la convention multilatérale pour la mise en œuvre du Pilier Un d’octobre dernier, un texte qui reflète le consensus atteint jusqu’à présent[17]. La mise en place de mesures destinées à garantir un niveau minimal d’imposition des entreprises numériques, la modification de l’expression « établissement stable » et la minimalisation des écarts d’imposition résultant de divers systèmes fiscaux trop complexes ne sont que quelques-unes des mesures qu’elle prévoit. 

En conclusion, la désuétude du système fiscal mine la concurrence loyale entre les entreprises traditionnelles et les entreprises du numérique. Les premières étant soumises à un taux d’imposition effectif de 23,2 %, contre 9,5 %, leurs chances de survie diminuent plus la sous-imposition des entreprises du Web perdure[18]. En plus de permettre aux entreprises physiques de souffler, le redressement des charges fiscales pourrait engendrer des recettes plus que nécessaires considérant l’alourdissement de la dette publique causée par la COVID-19. Pour s’y faire, l’approche à préconiser semble être l’adoption d’un accord multilatéral. Maintenant, il ne reste à savoir que si les gouvernements trouveront un terrain d’entente. 

Numéro spécial : The (Il)legality of unilateral economic sanctions and the resulting costs of basic human rights

Mariam Abbas Brochu, LL.B., J.D., LL.M. crim.

“New sanctions target several of Russia’s elite”, “Canada imposes sanctions on Russian oil, gas and chemical industries”, and « The U.S. Unexpectedly Announces New Sanctions Against China”: are just three of the latest headlines splashed across media outlets in the last couple of years.  They refer primarily to unilateral economic sanctions taken by a country, against another, in an attempt to yield political and economic power in having a country bend to its favour.  Economic sanctions are readily used and have only grown in popularity over the decades.  Mainstream media often discusses them, and they have even become inherent to most dinner table conversations involving politics and international affairs.  Apart from understanding that their ultimate objective is to punish, most laymen don’t know what unilateral economic sanctions are at their core and how they impact everyone they come into direct or indirect contact with.

The following article aims to arm the reader with a deeper understanding of economic sanctions and their far-reaching consequences.  First, I will dive into the legality of such sanctions and where they find their source.  Second, I will highlight the devasting and often overlooked effects these sanctions can have on vulnerable populations.

A. LEGALITY OF UNILATERAL ECONOMIC SANCTIONS

Unilateral sanctions are measures imposed on a country by another without the permission of the UN Security Council, mainly for retaliation, revenge or revision in policies.  They often take the form of economic coercion.  The use of such sanctions, which inherently push for a change in behaviour or policy, advances the punishing country’s own objectives in an attempt to align the targeted country with said objectives.  Such sanctions can be categorized as restrictions on the movement of goods and or people and restrictions on financial transfers.  Concretely they take the form of embargos, blockades, import and export restrictions, asset freezing, imposing financial restrictions on private persons, technical assistance prohibitions and other related measures.

The comprehensive trade embargo levied against the government of Nicaragua in 1985 by the United States of America is an example of such a sanction.  In doing so, President Reagan suspended trade and services by Nicaraguan vessels and airlines and threatened the termination of a bilateral treaty.  The US is also heavily involved in sanctioning Iran, most significantly in its adoption of national legislation, the Iran and Libya Sanctions Act, which regulates and limits a variety of interactions and relationships with the country and its inhabitants.

Such sanctions often seem justified by international headlines, propaganda and legitimate justification, but can they then be deemed legal?  Where do unilateral economic sanctions find justification and source in international law?  It is a recurring notion that international law, and consequently the United Nations, is flawed and oftentimes ineffective.  Countries have taken it upon themselves to act in defence of their national interests, oftentimes by way of unilateral economic sanctions.

As with any legal question, let’s go to the source and identify the available rules of law regarding unilateral economic sanctions.  First, Article 2(4) of the United Nations Charter (“Charter”), which requires countries to refrain from the threat or use of ‘force’ against any state, has been interpreted as including economic pressure.  Second, Articles 1(2), 2(1), 2(7) and 74 of the Charter bring into question the legitimacy of unilateral actions.  These provisions outline that the imposition of such sanctions violates the principles of equality of states and state sovereignty, the development of international relations and ‘good neighbourliness’, the right to self-determination of peoples, consideration of each other’s interests and well-being and furthermore violates the principles of the Charter itself.  Though UN resolutions are not formally, legally binding instruments on member and non-member states alike, economic sanctions have also been condemned by the UN General Assembly (UN Resolutions 2131, 2625, 3202, and 3281 have all condemned unilateral economic sanctions), thus reinforcing the notion that unilateral economic sanctions are not legal and find no juridical basis in international law.

As with most rules, there are, however, several exceptions to the illegality of unilateral economic sanctions. First, they may be authorized by the UN Security Council under powers granted to it (Articles 39 and 41 of the Charter).  Second, they may be permitted as a countermeasure against the wrongful acts of another state. Third, they are allowed if they receive the consent of the sanctioned state (i.e., participation in a multilateral dispute settlement authorizing such sanctions).

Unilateral sanctions violate the equality between states, the respect for and dignity of national sovereignty and the nonintervention in the internal affairs of states.  Thus, despite the recurring use of sanctions and the claims as their necessity in maintaining national security, such economic unilateral sanctions do not have a clear legal basis in international law and their imposition on an international level is subject to the United Nations approval, which some exception.

B. HUMAN RIGHTS CONCERNS

States that implement and resort to unilateral economic sanctions often do so in defence of their national interests.  Most of these states openly support human rights and don’t conduct themselves in a manner that purposely violates them.  Nonetheless, history has shown that the implementation of sanctions creates undesired side effects; side effects which come in the form of human rights violations and crises.

As previously mentioned, unilateral economic sanctions are a form of coercion.   At their core, economic sanctions conflict with the fundamental principles of justice and human rights. Even the most well-intentioned entities, when utilizing these tools, will undoubtedly negatively impact humans.  Take the UN Security Council for example. It was not that long ago that it began using such sanctions regularly.  However, the consequences resulting from such recourses included preventing besieged countries from ensuring the human rights of their populations, resulting in an important deterioration of the population’s health, and a disastrous increase in infant and child mortality thereby creating several humanitarian problems.

Concretely, the implementation of unilateral economic sanctions oftentimes results in a significant disruption in the distribution of food, pharmaceuticals and sanitation supplies.   It can jeopardize the quality of food and the availability of clean drinking water. Such sanctions can severely interfere with the functioning of basic health and education systems and subsequently undermine the right to work.

Throughout the years and with gained knowledge and experience in the tangible possibility of such consequences resulting from their actions, states have attempted to refine their sanctions. This practice has included (1) the inclusion of humanitarian exemptions in comprehensive or sectoral economic sanctions, (2) the use of targeted sanctions, against specific individuals, companies and organizations, and (3) the provision of humanitarian aid to offset the sanctions’ impact.  Nevertheless, none of these ‘solutions’ seem to have been fruitful, whether it be on their own or combined.

Providing aid, whether it be as a preventative method or as reparation, has never truly been successful in restoring the full respect or protection of the affected peoples’ human rights.  More importantly, it has been suggested that the inclusion of humanitarian exemptions represents a de facto recognition by states that their sanctions produce human rights violations.  The conclusion that remains is that the international community is then, in some measure, sanctioning human rights violations by allowing for such unilateral economic sanctions to go unchecked.  Thus, such sanctions, while targeting the supreme dictatorships, illegitimate governments, human rights violators themselves, etc., will often produce an immeasurable financial burden on those most vulnerable and will necessarily impact the human rights of the citizens of the targeted country as well as those from the surrounding countries.

In sum, the application of unilateral sanctions imposes suffering and deprivation on innocent citizens of other countries, including mass human rights violations.  It deprives them of their right to development and self-determination.  If we are then comfortable with concluding that economic sanctions are illegal, or that their legality is at the very minimum questionable, and that the negative effect on innocent civilians far outweighs the possible gains a State could yield, then what?

The issue of unilateral economic sanctions leaves this reader with many unanswered questions.  Short of war and faced with the arguably (mostly) ineffective United Nations body, what are by-stander countries, faced with the egregious and escalating behaviours of countries such as Russia and China, to do?  Moreover, considering the questionable basis of such sanctions, how can the international community intervene when sanctions go too far and are unreasonable or unwarranted?  In other words, in the absence of a sovereign political authority to promulgate and enforce rules surrounding unilateral economic sanctions, where should countries turn?  Does the answer lie in transnational law; can the latter mitigate the gaping wounds left by traditional international law bodies and mechanisms?

Numéro spécial : Protecting data in the cyberworld : A task for lawyers and legislatures

Patrick France, étudiant en droit, Université de Sherbrooke

In July of 2017, credit monitoring firm Equifax suffered a security breach, compromising the information of approximately 150 million individuals. To date, it is one of the largest data breaches to have ever occurred, with sensitive information such as credit card information, names, social security numbers and other information being stolen by hackers. In addition to their reputation suffering a massive blow due to backlash from ordinary citizens, Equifax was forced to “pay up $700 US million in fines and penalties to settle with various regulatory bodies”. Although not all security breaches are of this magnitude, it is important to ask what can be done to prevent them in the first place, and what can be done reactively once they have occurred? To address this issue, it will be argued that legal professionals play a critical role in planning against and managing a cyber breach, and that legislatures in Canada and around the world are central to the regulation of data protection and the imposition of sanctions for those who fail to comply.

            Firstly, legal professionals are instrumental in the fight against cybercrime, which in total has cost the global economy more than $445 billion[1]. Although experts such as computer engineers are seen as most critical in securing networks and preventing cyberattacks, lawyers can be of assistance in many different ways. The first way that lawyers can be assets is by providing legal advice, more specifically in regard to privacy laws and statutes. When a large company such as a bank stores sensitive client information on their servers and that information is compromised during a breach, there is an obligation to inform that client of the breach under specific privacy laws. An example of such privacy laws in Canada is the “Personal Information Protection and Electronic Documents Act” (PIPEDA), a federal Act applicable to “private-sector organizations across Canada that collect, use or disclose personal information in the course of a commercial activity”. This act under s.10.1(3) imposes a notification duty on organizations towards clients of any security breach involving their personal information “if it is reasonable in the circumstances to believe that the breach creates a real risk of significant harm to the individual”. In regard to assessing a “real risk of significant harm” s.10.1(8) PIPEDA states that there are 3 factors that should be considered: “(a) the sensitivity of the personal information involved in the breach, (b) the probability that the personal information has been, is being or will be misused and (c) any other prescribed factor”. The wording of this section seems quite vague, and this is where legal expertise on when and how to notify individuals can be of added value to a cybersecurity team. Secondly, lawyers are critical in communication efforts with law enforcement both nationally and internationally. Section 10.2(1) PIPEDA gives the option to private organizations subject to PIPEDA to notify government institutions of a data breach if they believe that they may be able to reduce the risk of harm. This implies that a concerned organisation could ask help from the RCMP, if they believe it to be necessary, with communications ideally being managed by a legal team. This leads to the third argument in favor of involving lawyers in cybersecurity: attorney-client privilege. If a company wishes not to disclose certain information regarding a data breach to regulators or law enforcement, they can invoke attorney-client privilege, where said information was confided to a member of their legal team. As a result, companies can control the flow of information when providing updates, which is quintessential in preserving reputation and “protecting certain documentation from discovery during the legal process”. In addition to reputational loss, lawsuits and fines can force a firm to close its doors[2]. Thus, it is clear that all of the above mentioned points highlight the importance of involving lawyers in the cybersecurity discussion. 

            Secondly, it is important for legislatures in Canada and across the world to regulate data protection efficiently, especially in a world where everything is connected and a “majority of services, such as financial systems, the power grid, health systems, the power grid, health systems, administration and the military run on networks connected to the internet”. Historically, jurisdictions like Europe were seen as role models when it came to data protection, with initiatives such as GDPR, which imposed fines as a percentage of a company’s global revenue for failing to secure private information. However, other jurisdictions such as Canada and the United States were not always as quick to impose such measures. More recently, Canada has worked to address the issue of data protection federally, with the first reading of bill c-27 having been completed in the Senate on June 16th 2022. This bill is an example of Canada wanting to improve its current data protection laws, by also imposing penalties similar to those in Europe for organizations who do not adequately protect user information. If this bill is passed, faulty companies could be “liable to a fine of up to 5% of global revenue or CA$25 million, whichever is greater.” In Quebec, measures were also taken to impose greater obligations on private organizations storing sensitive customer data. Following the Desjardins security breach, which compromised the information of over 4.2 million of its members, the Quebec government introduced and adopted bill 64. Bill 64 entitled “An Act to modernize legislative provisions as regards the protection of personal information”, was a complete revamp of the province’s personal information protection laws. This bill created more stringent obligations than PIPEDA in regard to record keeping and security breaches for example. In regard to record keeping, the bill creates a duty to maintain records of a security breach for a period of 5 years, which is more than the 2-year period under PIPEDA. Furthermore, whereas PIPEDA uses the notion “breach of security safeguards”, bill 64 uses the notion of a “confidentiality incident”, which appears to be broader in nature and could thus mean that organisations have a duty to notify individuals of a security breach in more situations than under PIPEDA. In short, it is clear bill 64 serves as another good example of a government taking more initiative in regard to cybersecurity. In a global economy however, it is not enough for jurisdictions like Canada, Quebec, or Europe to take data protection and security breach issues seriously; it is a collective effort requiring the involvement of all countries. The United States, which is “ranked first in global security threats”[3], seems to be lagging behind by not imposing their own GDPR measures. Furthermore, while other countries have adequacy agreements to improve the flow of data between countries, which is essential during a cybersecurity breach of a multinational company for example, the United States has no such agreements, requiring special ones to be drafted if need be. This highlights a serious problem in the global fight against cybercrime and protecting the data of common citizens: what good are stringent national governmental measures when key players are not also imposing such measures? It is clear that more needs to be done, but Canada and Quebec’s recent push for legislative reform imposing tougher sanctions on faulty players, is a step in the right direction.

             To conclude, cybersecurity breaches are on the uprise across the globe. Law firms such as Norton-Rose, who advise clients on issues of cybersecurity, dealt with 500 breaches this year as opposed to last year’s 320. It is not just large corporations whose networks are at risk of being compromised, resulting in reputational and financial losses, but also small firms for whom a security breach could mean closing their doors indefinitely. This highlights the importance of involving lawyers in the cybersecurity prevention and breach management processes, seeing as they can provide a certain expertise that other professionals may not. It is also clear that governments should be creative in their legislative efforts, in order to set forth clear guidelines for companies to follow to protect the broader public. As more governments take the protection of data protection seriously to curb cybercrime, one can ask what more can be done to harmonize legislation across jurisdictions and thwart the efforts of criminals who seek to hinder our global network?

Numéro spécial : La pratique transnationale du droit

Chers lecteurs et chères lectrices,

C’est avec un grand enthousiasme que nous vous présentons aujourd’hui une série spéciale de billets de blogue, produit du travail acharné et de l’engagement passionné des personnes étudiantes participant aux cours de « Pratique transnationale du droit I et II ». Cette série met en lumière les défis et les possibilités uniques de la pratique juridique au-delà des frontières nationales.

La pratique transnationale du droit est un champ du droit à la fois complexe et captivante, qui nous conduit à la croisée de diverses cultures juridiques, traditions, et systèmes. Elle nous demande de regarder au-delà de notre propre système juridique, de comprendre d’autres systèmes, et de faire le lien entre eux.

Dans le cadre des cours de « Pratique transnationale du droit I et II », nos personnes étudiantes ont relevé le défi d’explorer ce champ d’étude. Nous sommes fier.es de partager avec vous leur travail. Au cours des prochains jours, nous publierons une série de billets qui reflètent la diversité des sujets étudiés. Ces billets aborderont une gamme de thèmes, allant du droit de l’immigration et des personnes réfugiées, aux enjeux de protection des données dans un contexte global, en passant par le rôle des sanctions économiques dans la gouvernance mondiale.

Nous espérons que vous apprécierez la lecture de ces billets autant que nos personnes étudiantes ont apprécié l’étude de ce champ. Nous sommes impatient.es de partager leurs découvertes et leurs réflexions avec vous, et nous vous invitons à participer à la conversation en laissant vos commentaires et vos réactions.

Bonne lecture !

Noël: « colonialiste » et « systémiquement discriminatoire »? La Commission canadienne des droits de la personne vs la Cour suprême des États-Unis au sujet de la neutralité et de l’égalité religieuses

Entre nous, la Cour suprême des États-Unis se fiche de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Cela dit, l’ombudsman fédéral canadien vient de publier un Document de réflexion sur l’intolérance religieuse qui amuserait la plupart des membres de la plus haute juridiction américaine, dont la jurisprudence relative à la liberté de religion et à la non-discrimination est peut-être la plus riche et la plus mature. Le rapport de la CCDP contient le passage suivant :

La discrimination à l’égard des minorités religieuses au Canada est ancrée dans l’histoire du colonialisme au Canada. Cette histoire se manifeste aujourd’hui par une discrimination religieuse systémique. Un exemple évident est celui des jours fériés au Canada. Les jours fériés liés au christianisme, dont Noël et Pâques, sont les seuls jours fériés canadiens liés à des fêtes religieuses. Par conséquent, les non-chrétiens peuvent avoir besoin de demander des aménagements spéciaux pour célébrer leurs fêtes religieuses et d’autres périodes de l’année où leur religion les oblige à s’abstenir de travailler.

Il est particulièrement fort de soutenir que la possibilité d’obtenir un arrangement spécial est discriminatoire. Aux États-Unis, depuis l’arrêt Smith de 1990, la liberté de pratique religieuse ne donne plus de droit constitutionnel à une exemption à la loi d’application générale.

En réalité, le propos de la CCDP se rapporte à la question des monstrations patrimoniales d’origine historique religieuse de la part de l’État. Il est simpliste et ridiculement ignorant de l’état des jurisprudences du monde sur la question. Je ne pourrai pas traiter ici de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ou de celle de certaines juridictions constitutionnelles européennes, par exemple. Mais je vais le faire de la jurisprudence américaine relative à l’Establishment Clause du premier amendement à la constitution américaine, aux termes de laquelle la question que se pose de manière plutôt médiocre la CCDP est traitée en droit constitutionnel américain.

«Congress shall make no law respecting an establishment of religion», se lit la disposition qui nous occupe. Son interprétation judiciaire a confirmé son asymétrie : l’interdiction faite au Congrès – et, depuis l’«incorporation» de cette disposition avec les autres dispositions fondamentales du Bill of Rights à la disposition relative au «due process of law» de la «Section 1» du Fourteenth Amendment, aux États fédérés – ne concerne bien que l’établissement d’une «religion», et non d’une éthique, d’une morale, d’une «philosophie», d’une politique, etc., qui, sans être anti-religieuse, serait areligieuse. C’est pourquoi on a pu dire de cette disposition constitutionnelle qu’elle favorisait ou avantageait la non-croyance aux dépens de la croyance[1]. Or, dans l’arrêt Schempp de 1963, sur lequel nous reviendrons à l’instant, le juge Clark, auteur de motifs majoritaires, a accessoirement indiqué qu’en vertu de la disposition de non-établissement l’État n’était pas autorisé à établir une «religion of secularism»[2]. En 1961, cette même Cour suprême des États-Unis avait, dans les motifs principaux de la décision qu’elle avait unanimement rendue dans l’affaire Torcaso v. Watkins, reconnu l’«humanisme laïque» (secular humanism) parmi les religions non théistes pratiquées aux États-Unis[3], tandis que dans l’affaire United States v. Seeger de 1965 elle jugera bon de relever qu’elle n’est pas saisie de la question de savoir si l’athéisme peut être tenu pour une religion aux termes des dispositions religieuses du First Amendment[4]. Il faut ensuite savoir que le non-établissement n’est pas une protection contre la contrainte religieuse, même dans un sens élargi, protection qu’offre plutôt la disposition relative à la liberté de pratique religieuse. La liberté de pratique a été étendue à un droit à la non-discrimination religieuse, ce qui empêche l’État d’invoquer quelque principe de «séparation» ou de «neutralité» stricte (plutôt que «bienveillante») dont serait porteuse la disposition de non-établissement afin de, par exemple, refuser aux associations religieuses ou à certaines d’entre elles des avantages qu’il accorde à des associations areligieuses ou à d’autres associations religieuses, selon le cas[5]. Autre chose à savoir, aux yeux des juristes américains, la neutralité religieuse ne se rapporte habituellement qu’à l’objet ou aux raisons d’une mesure étatique, et non à ses effets. Sauf que la disposition de non-établissement a déjà étendu son contrôle au-delà du seul objet pour couvrir les effets. De l’avis de Martha Nussbaum, ce n’était pas l’idée de neutralité qui donnait son sens à un tel contrôle des effets de l’action de l’État sur les minorités religieuses ou conscientielles, mais celle d’égalité, en l’occurrence une idée d’égalité de statut social et de citoyenneté, autrement dit d’égalité de respect politique[6]. C’est ainsi que pense notre CCDP. Dans cette parenthèse jurisprudentielle relative au non-établissement où ce principe a servi à contrôler certains effets «inégalitaires» de l’action étatique, le mot de «neutralité » a bel et bien été employé. En tout état de cause, l’arrêt de principe sur la question fut un moment l’arrêt Schempp de 1963, où, auteur de motifs majoritaires, le juge Clark avait forgé le «test» suivant :

The test may be stated as follows: what are the purpose and the primary effect of the enactment? If either is the advancement or inhibition or religion then the enactment exceeds the scope of legislative power as circumbscribed by the Constitution. That is to say that to withstand the strictures of the Establishment Clause there must be a secular legislative purpose and a primary effect that neither advances nor inhibits religion[7].

En 1971, sous la plume du juge Burger, l’arrêt Lemon v. Kurtzman a vu la Cour suprême des États-Unis ajouter une troisième étape à la méthode prescrite par le juge Clark dans l’arrêt Schempp. Le résultat en sera le fameux Lemon Test, que voici :

First, the statute must have a secular legislative purpose; second, its principal or primary effect must be one that neither advances nor inhibits religion; finally, the statute must not foster ‘an excessive government entanglement with with religion’[8].

Par l’addition de cette troisième condition cumulative qui demeurerait problématiquement indéfinie, l’arrêt Lemon v. Kurtzman marquait un retour à l’interprétation « séparationniste » du non-établissement qui avait parfois prévalu avant que ne fût rendu l’arrêt Schempp. Un tel renouement aurait culminé avec l’arrêt Aguilar v. Felton de 1985[9], qui fut renversé par l’arrêt Agostini v. Felton de 1997[10]. Celui-ci était en effet justiciable d’un mouvement jurisprudentiel de retour à une conception égalitariste de la neutralité dont l’idée sous-tendrait le non-établissement. En somme, pour n’avoir connu quelque stabilité que des années 1940 aux années 1980, la jurisprudence relative à la disposition de non-établissement du First Amendment de la constitution américaine ne peut être aisément exposée mais que racontée. Comme le déplore effectivement Martha Nussbaum, qui au final se livre pour sa part à un exercice «interprétif» au sens dworkinien du terme – et qui consiste à proposer une interprétation qui se veut «la meilleure» réponse, et donc la «bonne», à une question juridique relative à du droit suffisamment indéterminé pour qu’il soit impossible de le séparer rigidement en une partie qui « est » et une autre qui «doit être»[11] –, «[t]oo often, the modern Establishment Clause tradition has lacked that sort of overall orientation, or has been a scene of contention, as different Justices supply different orientations»[12], si bien que «[r]ecent Establishment Clause cases look like a mess»[13]. Aussi en a-t-il coulé, de l’eau sous les ponts, depuis la parution, en 2008, du livre de Martha Nussbaum.

À l’heure actuelle, le «Lemon Test» est sévèrement critiqué par certains juges de la Cour suprême des États-Unis, qui lui reprochent d’être, non seulement trop «séparationniste», mais péremptoire et naïvement égalitariste, et ce notamment en matière de maintien d’anciens – par opposition à l’inauguration de nouveaux – monuments, symboles, pratiques, etc., publics d’origine religieuse, mais pouvant avoir depuis lors revêtu une signification civique ou patrimoniale. Dans une affaire de 2018 où était en cause un monument public aux morts de la Première guerre mondiale qui avait la forme d’une croix et dont il a été jugé qu’il ne violait pas la disposition de non-établissement, le juge Alito, auteur de motifs majoritaires, écartait le Lemon Test pour les raisons qui suivent :

After grappling with such cases for more than 20 years, Lemon ambitiously attempted to distill from the Court’s existing case law a test that would bring order and predictability to Establishment Clause decisionmaking. […] If the Lemon Court thought that its test would provide a framework for all future Establishment Clause decisions, its expectation has not been met. In many cases, this Court has either expressly declined to apply the test or has simply ignored it. […] As Establishment Clause cases involving a great array of laws and practices came to the Court, it became more and more apparent that the Lemon test could not resolve them. It could not “explain the Establishment Clause’s tolerance, for example, of the prayers that open legislative meetings, . . . certain references to, and invocations of, the Deity in the public words of public officials; the public references to God on coins, decrees, and buildings; or the attention paid to the religious objectives of certain holidays, including Thanksgiving.” Van Orden, [545 U.S. 677], at 699 (opinion of Breyer, J.). The test has been harshly criticized by Members of this Court, lamented by lower court judges, and questioned by a diverse roster of scholars. For at least four reasons, the Lemon test presents particularly daunting problems in cases, including the one now before us, that involve the use, for ceremonial, celebratory, or commemorative purposes, of words or symbols with religious associations. First, these cases often concern monuments, symbols, or practices that were first established long ago, and in such cases, identifying their original purpose or purposes may be especially difficult. […] Second, as time goes by, the purposes associated with an established monument, symbol, or practice often multiply. […] Third, just as the purpose for maintaining a monument, symbol, or practice may evolve, “[t]he ‘message’ conveyed . . . may change over time.” Summum, 555 U. S., at 477. […] Fourth, when time’s passage imbues a religiously expressive monument, symbol, or practice with this kind of familiarity and historical significance, removing it may no longer appear neutral, especially to the local community for which it has taken on particular meaning. […] These four considerations show that retaining established, religiously expressive monuments, symbols, and practices is quite different from erecting or adopting new ones. The passage of time gives rise to a strong presumption of constitutionality. […] While the Lemon Court ambitiously attempted to find a grand unified theory of the Establishment Clause, in later cases, we have taken a more modest approach that focuses on the particular issue at hand and looks to history for guidance. Our cases involving prayer before a legislative session are an example[14].

Dans une affaire dont il a été finalement disposé sur la base de la liberté d’expression comme d’un cas de discrimination de l’expression religieuse et où la défense que voulaient fonder les autorités publiques sur le principe de non-établissement ne pouvait opérer puisque la cour n’avait pas conclu être en présence d’un cas de «government speech», les juges Kavanaugh d’une part et Gorsuch (avec l’adhésion du juge Thomas) de l’autre, se sont donné la peine de produire des motifs concordants où ils ont traité de cette inopérante défense. Si le premier s’est contenté de rappeler qu’«a government does not violate the Establishment Clause merely because it treats religious persons, organizations, and speech equally with secular persons, organizations, and speech in public programs, benefits, facilities, and the like»[15], le second, quant à lui, en a profité pour reconduire son lecteur au deuil du Lemon Test :

Ultimately, Lemon devolved into a kind of children’s game. Start with a Christmas scene, a menorah, or a flag. Then pick your own “reasonable observer” avatar. In this game, the avatar’s default settings are lazy, uninformed about history, and not particularly inclined to legal research. His default mood is irritable. To play, expose your avatar to the display and ask for his reaction. How does he feel about it? Mind you: Don’t ask him whether the proposed display actually amounts to an establishment of religion. Just ask him if he feels it “endorses” religion. If so, game over. […] To justify a policy that discriminated against religion, Boston sought to drag Lemon once more from its grave. It was a strategy as risky as it was unsound. Lemon ignored the original meaning of the Establishment Clause, it disregarded mountains of precedent, and it substituted a serious constitutional inquiry with a guessing game. This Court long ago interred Lemon, and it is past time for local officials and lower courts to let it lie[16].

Bref, aux yeux d’une jurisprudence mature sur la question de la patrimonialisation du religieux, dont l’américaine est à des lieues d’être le seul exemple, la CCDP a le nombril vert. Pourquoi ne pas parler de la jurisprudence canadienne? Justement, et sans dire qu’elle se reconnaîtrait dans le document de la CCDP, j’annonce que, dans une monographie que je prépare, je soutiendrai qu’elle n’a pas encore atteint le niveau de maturité de sa voisine du Sud.


[1] Martha Nussbaum, Liberty of Conscience: In Defense of America’s Tradition of Religious Equality, Basic Books, 2008, p. 166.

[2] School District of Abington Township, Pennsylvania v. Schempp, 374 U.S. 203 (1963), p. 225.

[3] Torcaso v. Watkins, 367 U.S. 488 (1961), p. 495, note 11.

[4] United States v. Seeger, 380 U.S. 163 (1965), pp. 173-174.

[5] Carson v. Makin, 596 U.S. ___ (2022).

[6] Martha Nussbaum, op. cit., pp. 225-232, 265.

[7] School District of Abington Township, Pennsylvania v. Schempp, 374 US 203 (1963), p. 222.

[8] Lemon v. Kurtzman, 403 U.S. 602 (1971), pp. 612-613. Les guillemets s’expliquent par le fait que le juge Burger cite l’arrêt Walz v. Tax Commission of the City of New York, 397 U.S. 664 (1970).

[9] Aguilar v. Felton, 473 U.S. 402 (1985).

[10] Agostini v. Felton, 521 U.S. 203 (1997).

[11] Ronald Dworkin, Justice for Hedgehogs, Havard University Press, 2013 : idemLaw’s Empire, Harvard University Press, 1988.

[12] Martha Nussbaum, op. cit., p. 228.

[13] Ibid., p. 227.

[14] American Legion v. American Humanist Association, 588 U.S. ___ (2019), j. Alito. Sur la question des prières « civiques », voir not. l’arrêt Town of Greece v. Galloway, 572 U.S. 565 (2014).

[15] Shurtleff v. Boston, 596 U.S. ___ (2022), j. Kavanaugh.

[16] Shurtleff v. Boston, 596 U.S. ___ (2022), j. Gorsuch.