« Il n’a jamais été question de censure, mais de critique! La censure ne peut venir que de l’État. » Vraiment?

Au nom de l’ « inclusion », du « postcolonialisme », de la « sécurité » (celle que menacerait par exemple la présence, à titre de conférencière, d’une avocate ayant défendu une personne accusée d’agression sexuelle), etc., il est devenu courant de, sans passer par la puissance du droit public, chercher à faire taire, avant même la prise de parole. De chercher à empêcher autrui d’entendre. De chercher à l’empêcher de voir des œuvres que, le plus souvent, on n’a pas vues soi-même. Ces nouvelles censures entendent s’appeler « critique » et revendiquent la qualité d’expression libre. L’annulation d’une conférence ou d’une pièce de théâtre deviendrait ainsi le résultat libre d’une critique libre. Faire taire deviendrait l’exercice de la liberté de parole. Maintenant convenu, bien-pensant même, ce discours aux accents « pédagogiques » veut s’appuyer sans rigueur sur l’idée juridique d’égalité comme protection contre la discrimination, ainsi que sur celle selon laquelle l’emploi du mot de « censure » n’aurait de validité qu’à l’égard des rapports de droit public. Voyons ce qu’il en est. Continuer à lire … « « Il n’a jamais été question de censure, mais de critique! La censure ne peut venir que de l’État. » Vraiment? »

Dérogation aux droits dans le projet de loi sur la laïcité de l’État: la synthèse

Arguments d’inconstitutionnalité, arguments d’illégitimité, voici sommairement résumé l’état de ma réflexion sur la question de l’actuel projet de dérogation à la charte constitutionnelle des droits dans le but de réaliser la « laïcité » de l’État québécois, notion dont j’ai autre part expliqué en quoi elle était étrangère à notre cadre constitutionnel ainsi qu’à l’histoire de celui-ci. Continuer à lire … « Dérogation aux droits dans le projet de loi sur la laïcité de l’État: la synthèse »

Le gouvernement peut-il forcer les commissions scolaires à appliquer la Loi sur la laïcité de l’État?

Le projet de Loi sur la laïcité de l’État (« la Loi ») déposé par le gouvernement du Québec pose son lot de problèmes. Plusieurs de ses dispositions portent clairement atteinte aux droits fondamentaux des personnes visées, notamment leur droit à l’égalité sans discrimination, leur liberté de religion et leur liberté d’expression. Dans la mesure où les dispositions de la Loi prévalent sur celles des conventions collectives dûment négociées, elles portent aussi probablement atteinte à la liberté d’association des salariés syndiqués du secteur public. C’est sûrement en raison de ces atteintes évidentes qu’on y ait inclus des dispositions de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne.

Au-delà de la question de la constitutionnalité de la Loi – laquelle me semble malheureusement acquise, malgré l’opinion savante de certains de mes collègues – se pose celle de son application. Au moins une commission scolaire a déjà annoncé qu’elle ne l’appliquerait pas, ce qui a mené la ministre de la Sécurité publique à faire l’affirmation loufoque selon laquelle ce serait à la police d’assurer l’interdiction applicable à certaines personnes enseignantes de porter des signes religieux.

Mais ce n’est pas parce que la Loi ne comprend pas de dispositions pénales qui habiliteraient l’intervention de la police qu’elle n’est pas applicable. Dans ce billet j’explique que, sur le plan strictement juridique, le gouvernement détient tous les pouvoirs nécessaires pour assurer que les commissions scolaires appliquent la Loi. Par contre, le droit ne s’applique pas par lui-même; il est mis en œuvre par des personnes. Il est donc possible que l’interdiction de porter les signes religieux soit, dans les faits, assez inefficace. Continuer à lire … « Le gouvernement peut-il forcer les commissions scolaires à appliquer la Loi sur la laïcité de l’État? »

Mon débat avec le philosophe du droit Benoît Frydman

À la faveur de ce que ma convention collective appelle un « dégagement pour enrichissement des connaissances et recherche », j’ai pu séjourner, pendant un peu plus d’un mois, à l’Université catholique de Louvain (UCL), où je fus accueilli par les professeurs Sophie Weerts, Céline Romainville et Charles-Hubert Born. Mon accueil s’est fait dans le cadre du Louvain Global College of Law, dont les conditions sont excellentes. C’est à cette occasion que le professeur et philosophe du droit (du Centre Perelman de l’Université libre de Bruxelles) Benoît Frydman et moi avons été invités à débattre de l’idée de droit global.

Intitulé « Le droit global existe-t-il? », ce débat fut tenu le 7 mars dernier. Il portait plus précisément sur quatre questions, que je reproduis ici, accompagnées surtout du texte des réponses que je leur ai données. La vidéo intégrée au présent billet est celle de la partie 1/5. La suite est accessible sur la page YouTube de l’Institut pour la recherche interdisciplinaire en sciences juridiques de l’UCL. Continuer à lire … « Mon débat avec le philosophe du droit Benoît Frydman »