Une loi spéciale pour l’industrie de la construction : une intervention justifiée?

Le constitutionnaliste Peter Hogg est connu pour avoir élaboré la « théorie du dialogue » entre les tribunaux – notamment la Cour suprême – et les législatures provinciales et fédérales. Selon cette théorie, quand la Cour suprême invalide une loi qu’elle a trouvée inconstitutionnelle, elle inscrit dans ses motifs les jalons qui serviront à guider la législature dans la préparation d’une éventuelle loi de remplacement. Ainsi, les tribunaux ne seraient pas les arbitres finaux du contenu des lois, mais des interlocuteurs privilégiés dans le processus démocratique de leur élaboration.

À voir la conduite récente du gouvernement du Québec en matière de liberté d’association et de ses corollaires – les droits à la négociation collective et de grève – il semblerait plutôt être un dialogue de sourds.

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Entre idéalisme de la théorie critique et critique de la critique : qui peut se réclamer d’être plus critique?

Les définitions de la pensée critique en droit se sont fait concurrence en cette 6e Journée d’étude sur la méthodologie et l’épistémologie juridiques le 28 avril dernier à l’Université Laval, hôte d’une large délégation de l’Université de Sherbrooke (voir le programme ici). La journée fut organisée par Georges Azzaria, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval et Finn Makela, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon et le Laboratoire pour la recherche critique en droit (LRCD). Les interventions variées ont illustré les nombreux débats actuels au sein du monde des théories critiques en droit.

Se revendiquer du statut de théoricien-ne critique du droit est-il plus critique que de méta-critiquer la théorie critique? Qui a la légitimité de déterminer les critères définitionnels, et conséquemment d’exclusion, de ce qui constitue une manifestation de théorie critique? La réflexion sur les rapports de pouvoir, point de convergence de plusieurs approches généralement étiquetées critiques (marxisme, féminisme, Critical Race Theory, etc.), est-elle une condition sine qua non? Ou est-ce là déjà en contradiction avec une épistémologie critique, puisque constituant une position idéologique, politique? Toutes les positions épistémologiques ne sont-elles pas inévitablement idéologiques, la croyance en la neutralité et l’objectivité apolitiques en constituant une qui soit elle aussi idéologique? Quelle est la place du scepticisme postmoderne; son apogée est-elle justement une critique de la critique, ou un soupçon du soupçon? Ou est-ce que la critique de la critique se pose comme un retour à la période précédent le caractère en vogue de la théorie critique? Est-ce que la théorie critique en droit n’en est une que si elle est ancrée en droit, ou plutôt, est-ce qu’un apport disciplinaire autre s’avère nécessaire, comme celui de la philosophie ou de la sociologie? Que faire des revendications de « critique » de l’École de Francfort, interdisciplinaire, par rapport à celles des Critical Legal Studies, par exemple, alors que leurs conceptions mêmes du droit les opposent? Tout un casse-tête philosophique.

Même si nous sommes d’accord de ne pas être d’accord sur l’essence même d’une pensée critique, il importe également de réfléchir à sa mobilisation, et les fins de celles-ci. Est-ce que sont en compétition l’idéalisme des avenues réformatrices, voire révolutionnaires de la théorie critique, et le pessimisme faisant souvent suite à la déconstruction critique? Si l’on emprunte la voie de l’idéalisme, doit-on également emprunter celle de la reconstruction? Quelle est la place de la réflexivité des chercheur-se-s pour l’activité critique? Quelle est celle de la rhétorique?

Et quel véhicule privilégier? La doctrine? Qu’est-ce que la doctrine, quelle en est sa valeur? Que faire des canons de celle-ci, s’ils s’avèrent inadéquats à des nouvelles mœurs sociales, par exemple par des composantes sexistes ou racistes? Qu’en est-il des préjugés dont nous ne réalisons pas encore l’existence? L’exploration historique est-elle inévitable pour tenter d’adopter une réflexivité par rapport à cet élément? Les blogs juridiques, est-ce l’avenir, ou faut-il s’y abstenir de tenir des propos trop « critiques »? Comment modeler ses propos, sur le fond et sur la forme, pour ne pas participer à l’oppression critiquée? La féminisation, par exemple, est-elle inévitable en ce sens? Devrait-on étendre nos réflexions critiques de recherche aux autres sphères de la carrière universitaire, incluant l’enseignement?

Certainement, ce forum a offert à ses participant-e-s plusieurs pistes de réflexion et débats futurs, la confrontation de ses idées à d’autres au sein d’un climat ouvert étant une composante, il me semble, essentielle de la pensée critique. Bref, plus de questions que de réponses n’en sont ressorties, et n’est-ce pas là le signe d’une réflexion collective réussie!

(Merci à Maxime St-Hilaire, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, pour son appui à la rédaction de ce billet.)

De plus en plus « populaire », le populisme constitutionnel

Deux blogues internationaux de droit constitutionnel, I•CONnect et le Verfassungsblog, se sont réunis spécialement afin de tenir un « mini-symposium » sur le sujet du populisme constitutionnel. J’entends profiter ici de l’occasion que me donne cette lecture de rendre brièvement compte de ma compréhension de la notion.

Dans le cadre de ce symposium bloguesque, Rosalind Dixon a rappelé que le populisme connaissait actuellement une montée à l’échelle mondiale : Amérique latine (néobolivarisme), Hongrie, Pologne, Royaume-Uni (Brexit), États-Unis (trumpisme), France (FN). La liste aurait pu s’allonger des Philippines de Duterte et de la Turquie d’Erdogan, entre autres exemples.

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