Ce billet est la retranscription de l’allocution d’ouverture du panel « Conflits de travail : grèves et autres actions collectives et leurs impacts sur les soignants et les patients » du colloque annuel des programmes de Droit et politiques de la santé. Le thème du colloque cette année était « Travailler dans le secteur de la santé : enjeux juridiques ».
Nous – professionnels du droit – avons une tendance à décrire son évolution en énumérant les changements successifs perceptibles dans son expression écrite, à savoir la législation et la jurisprudence. Même en nous concentrant sur les soubresauts imprévus de la jurisprudence (dont il ne manque pas en droit du travail), nous mettons la rationalité juridique au cœur de l’intrigue. La théorie, souvent implicite, sous-jacente à une telle analyse suppose que le droit évolue d’une manière linéaire et, surtout, selon une logique interne. On peut qualifier cette théorie implicite – de façon un peu caricaturale, j’en conviens – d’hégélienne. Chaque moment de l’évolution du droit contiendrait le germe du moment subséquent et ils se succéderaient dans un processus de raffinement rationnel tendant vers la perfection. On trouve un exemple patent de ce type de raisonnement dans le premier paragraphe des motifs de la juge Abella dans l’affaire Saskatchewan Federation of Labour, où elle cite une succession d’arrêts de la Cour suprême en rafale pour ensuite conclure que « [c]e parcours fait ressortir une inclination croissante à favoriser la justice au travail. »
Mais le droit n’est pas l’instanciation d’une idée abstraite. Il est plutôt le reflet – imparfait, il faut le dire – des rapports sociaux. Il s’en suit que l’évolution du droit témoigne de l’évolution de la société. Ainsi, les modifications observables dans la législation et la jurisprudence ne sont souvent que la cristallisation juridique de changements sociaux préalables. Comme le dit le célèbre dicton du Doyen Carbonnier : « [N]’y a-t’il pas, derrière le législateur juridique, des législateurs sociologiques ? » On peut qualifier cette perspective – de façon tout aussi caricaturale – de marxiste, en ce sens qu’elle ne fonde pas son analyse de la transformation du droit sur le développement des idées, mais plutôt sur les rapports matériels entre individus déterminés à des moments historiques précis.
Continuer à lire … « La grève : moteur du droit du travail »
WordPress:
J’aime chargement…