Vous avez dit « histoire », « État canadien » et « doctrine de la découverte »? Partie 2 : la colonisation et la conquête britanniques

La pratique anglaise sera d’abord, et contrairement à la française, de nier les droits des Autochtones (1606-1662) avant de les reconnaître (à partir de 1662).

Les Anglais commenceront par nier que l’on puisse détenir des droits sur des terres qu’on ne fait que « parcourir » plutôt que de les cultiver (Thomas More, John Locke…). Ils invoqueront donc, à compter de 1620, la doctrine de la découverte ou de l’occupation effective à l’encontre des cessions de terres obtenues des Autochtones par les Néerlandais.

En 1608, dans le Case of Tanistry[1], le King’s Bench aurait envisagé qu’une coutume successorale irlandaise puisse être trop déraisonnable pour être tolérée par la common law, qui aurait fini par s’appliquer dans l’ensemble de l’île à compter du XVIe siècle à la faveur d’une présence suffisante d’organes administratifs et judiciaires pour son application – ce qui, comme le fait remarquer Michel Morin, n’était certainement pas le cas sur les terres ancestrales autochtones dans l’Amérique du Nord du début du XVIIe siècle. La même année, le King’s Bench, dans une affaire entendue par tous les juges d’Angleterre, en l’occurrence le Calvin’s Case[2], a précisé les conditions de réception du droit des pays conquis par l’Angleterre. Si la conquête est celle d’un pays chrétien, les lois (le droit privé) de ce dernier continuent de s’appliquer jusqu’à ce que le souverain en décide autrement. Si le pays conquis est celui d’infidèles (musulmans), alors c’est plutôt l’« équité naturelle » qui s’applique dans l’intervalle. Quant aux païens conquis, ils sont dépourvus de tout recours en justice. Il faudra attendre l’affaire Campbell v. Hall de 1774 pour que cette jurisprudence soit renversée dans le sens d’une généralisation du premier cas de figure[3]. En ce début de XVIIe siècle, une telle jurisprudence n’inaugure rien de bon pour les Autochtones d’Amérique appelés à fréquenter les Anglais. Mais la conquête de ceux-là par ceux-ci n’a, pour le moment du moins, aucune correspondance avec la réalité. Du reste, s’il s’agit là de la doctrine juridique officielle qu’attestent généralement les concessions obtenues par des compagnies comme celles de la Virginie et de Nouvelle-Angleterre, ce droit est contredit par la pratique qui voit parfois les autorités coloniales ainsi que les colons particuliers négocier des cessions de terre avec les Autochtones[4]. En outre, les autorités coloniales se comportent comme si le consentement de ces derniers était requis pour qu’elles leur appliquent le droit anglais[5]. Autrement dit, les Anglais n’avaient pas les moyens de mettre en pratique leurs théories juridiques.

D’ailleurs, dès 1662, la General Court of Massachusetts Bay a reconnu l’existence du titre aborigène : « such haue binn the incouragement of the Indians in their improovements thereof, the which, added to their native right, which cannot, in strict justice, be vtterly extinct, doe therefore order, that the Indians be not dispossessed of such lands as they at present are possessed of there[6] ».

En 1664, en reprenant les établissements néerlandais, les Anglais renouvellent les ententes conclues entre ces derniers et les Autochtones. C’est l’origine de la « Covenant Chain ». 

En 1665, une commission royale est créée pour enquêter notamment sur les relations des autorités coloniales avec les chefs autochtones. Les commissaires auraient condamné nettement l’acte de faire la guerre aux Autochtones sans « juste cause » (terme relevant du droit international), l’appropriation sans leur consentement de terres qu’ils occupent et le défaut d’honorer les traités conclus avec eux[7]. Comme suites, le rapport des commissaires n’aurait connu que des directives, et non pas des normes juridiques. Ces directives favoriseront la négociation directe entre particuliers et Autochtones[8], ce qui se révèlera problématique par la suite.

Avant la conquête de la Nouvelle-France, l’un des premiers traités de cession de terres à avoir été conclus entre la Couronne anglaise (qui deviendra britannique en 1707) est le traité de Nanfan, du nom du gouverneur par intérim de la colonie de New York qui l’a négocié et conclu au nom du roi anglais à Albany le 19 juillet 1701, soit juste avant la Grande Paix de Montréal du 4 août entre la France et trente neuf nations amérindiennes, dont les Cinq Nations iroquoises : sinneke, maquase, cayouge, onnandage et onéida. Cette dernière Grande Paix est d’autant plus étonnante que ces mêmes Cinq Nations étaient justement parties au traité de Nanfan. Par celui-ci, outre qu’elles affirment s’y être assujetties entièrement avec leurs territoires[9], les Cinq Nations cèdent à la Couronne anglaise un vaste territoire s’étendant, du Nord au Sud, des Grands Lacs jusqu’au Kentucky actuel et, d’Ouest en Est, de ce qui est aujourd’hui St. Louis, au Missouri, jusqu’aux Appalaches, avec la compétence d’y construire des « forts et châteaux ». Ce territoire, qui est ici appelé leur « chasse au castor » (beaver hunting ground) ou, en langue iroquoise, « Canagariarchio », les Cinq Nations prétendent le tenir en grande partie de conquêtes effectuées lors des guerres franco-iroquoises (1680-1701), guerres aussi appelées, en anglais, « Beaver Wars ». La Couronne anglaise entend ici tirer profit de ces conquêtes iroquoises aux dépens de la France qui, pour sa part, ne reconnaîtra jamais ce traité – pas même quelques semaines plus tard, au moment de la conclusion de la Grande Paix de Montréal. Le traité de Nanfan a été renouvelé le 14 septembre 1726 avec trois de ses nations iroquoises signataires d’origine, soit les nations sinneke, cayouge et onnandage[10], non sans quelques différences cependant. Le territoire couvert par les traités de 1701 et 1726 coïncidera avec la plus grande partie du « Territoire indien » dont la Proclamation royale de 1763 portera création. La zone couverte par ce traité relèvera ensuite largement de la Province de Québec en vertu de la loi constitutionnelle impériale de 1774, qui a amputé de moitié, environ, le Territoire indien, qui relèvera bientôt, en vertu du traité de Versailles (appelé aussi « de Paris ») de 1783, des États-Unis d’Amérique, qui ne le reconnaîtront pas comme tel.

Du fait même de la conquête, l’essentiel du droit public britannique se substituerait automatiquement à celui du pays conquis[11]. Voilà qui du moins finira par être affirmé par une certaine jurisprudence[12].

Au terme de la guerre de succession d’Espagne (1702-1713), la France et la Grande-Bretagne signent, le 11 avril 1713, le traité d’Utrecht. Le bassin hydrographique de la baie d’Hudson (Terre de Rupert), Terre-Neuve et l’Acadie – à l’exception de l’Île royale (Cap-Breton) et de l’Île-Saint-Jean (Prince-Édouard) et, de fait, la plus grande partie du Nouveau-Brunswick actuel – sont cédés à la Grande-Bretagne. Comme l’indique Michel Morin, les Autochtones (Abénaquis, Micmacs et Malécites vivent cette cession comme un affront[13]. Initialement, la France aurait même été « disposée à céder toute la Baie de Fundy et la côte du Maine, en réinstallant [ses précieux alliés militaires que sont] les Abénaquis au cap Breton. Les protestations véhémentes de ces derniers auront convaincu les autorités de changer de position […][14] ». L’article XV du traité prévoit que les Français ne molesteront ni les « Cinq Nations ou Cantons des Indiens soumis à la [Grande-Bretagne ni les] autres Nations de l’Amérique, amies de cette Couronne[15] ». Celle-ci s’engage réciproquement à se comporter de façon « pacifique » avec les Autochtones sujets ou amis de la France. De plus, ce même article reconnaît aux uns et aux autres Autochtones la « pleine liberté de se fréquenter pour le bien du commerce ». Un différend portera sur les frontières de l’Acadie. « Avec le temps, chaque couronne conteste le droit de sa rivale de s’établir dans l’État du Maine et dans le Nouveau-Brunswick actuels[16] ». Lors des conférences diplomatiques de 1755 sur les nombreux différends frontaliers entre la France et la Grande-Bretagne en Amérique du Nord et dans les Antilles, les représentants français soutiendront que le « pays » des Etchemins (c’est-à-dire des Malécites) doit être distingué de l’Acadie[17]. Ils affirmeront l’indépendance des Abénaquis afin d’éviter à la France d’être tenue responsable de leurs actions, mais cela sans revendiquer de titre sur leur territoire[18]. Mais la stratégie française a pour but de nier réciproquement les implications territoriales des alliances conclues entre Britanniques et Autochtones, en niant même la stabilité et la valeur juridique d’une telle alliance. Il s’agit donc pour la France, dont la mauvaise foi paraît ici évidente, de soutenir la thèse de l’indépendance totale mais aterritoriale et inconstante des peuples autochtones[19]. À quelques reprises, la France remettra aussi en question l’alliance des Britanniques avec les Micmacs. Ceux-là concluent en effet une série de traités avec ceux-ci ainsi qu’avec les Malécites et les Passamaquoddys sur une période allant de 1725 à 1779. Il ne s’agit pas de cessions, mais de traités de « paix et d’amitié », autrement dit d’alliances politiques et militaires. Les traités de 1752 et de 1760-1761 contiennent cependant aussi une clause commerciale précise. En fait, par ces derniers traités, la Couronne britannique obtient des Micmacs qu’ils renoncent à commercer avec les Français, en échange de quoi elle s’engage à maintenir un système de maisons de troc[20].

Dans les années 1750, le contexte incite Londres à se pencher très attentivement sur la question autochtone en Amérique du Nord. Les colons convoitent les terres des Autochtones. D’une validité douteuse, l’achat de terres par des particuliers auprès d’Autochtones directement se traduit par une perte de profits pour la Couronne qui est ainsi privée des fruits de la revente de terres. Cela compromet aussi la souveraineté de l’État en même temps que la paix avec les premiers peuples. Les chefs autochtones nient la validité de nombreuses cessions de terres, notamment à des particuliers, parce que celles-ci n’auraient pas été obtenues des personnes autorisées. D’autre part, la guerre contre la France, bien que non encore officialisée, a déjà repris, et les Britanniques veulent éviter les problèmes causés par leur négligence de cette dimension lors de la guerre de succession d’Espagne et qui ont grevé les acquis du traité d’Utrecht. La Grande-Bretagne ne peut pas se préparer à l’officialisation du conflit sans compter avec la force militaire autochtone. En 1756, William Johnson[21], le « père » sinon inconnu, du moins méconnu de la Proclamation royale de 1763, est nommé à titre de surintendant des affaires indiennes des colonies du Nord, un poste créé en 1755 et qui fut jusqu’en 1830 celui de secrétaire militaire du gouverneur. En somme, sa mission consiste à obtenir la neutralité des Autochtones dans le conflit entre l’Angleterre et la France et, plus généralement, à servir d’intermédiaire entre les Autochtones et l’armée dès lors qu’il s’agit pour l’Angleterre d’obtenir des terres pour la construction de forts et d’accéder au commerce des fourrures. Quant à sa méthode, elle consistera largement en la convocation de conférences de paix, en la distribution annuelle de présents ainsi qu’en la conclusion de traités[22].

Peu avant la capitulation de Montréal qui aura lieu le 8 septembre 1760, le général Jeffrey Amherst déclare à l’intention des alliés autochtones des Français, le 26 avril de la même année, que le Souverain britannique ne l’a pas envoyé pour priver quiconque de ses terres et biens, et qu’en échange de leur appui les Autochtones conserveront ceux-ci de même que leurs territoires de chasse.

En août, alors que les soldats britanniques ont atteint Fort-Lévis (aujourd’hui Johnstown, Ont., entre Kingston et Montréal) et le Fort-de-La Présentation (que les Britanniques renommeront Fort Oswegatchie, avant que les Américains ne l’appellent Ogdensburg, d’où la ville de l’État de New York tient son nom), le surintendant William Johnson y rencontre des représentants des Sept Feux. Il leur promet solennellement que seront garanties la possession de leurs terres et la liberté de pratiquer la religion catholique, en échange de leur promesse de rester neutre dans le conflit qui oppose les puissances coloniales. 

Le 5 septembre, soit trois jours avant la capitulation de Montréal, le général Murray rencontre à Longueuil les Hurons de Lorette. Selon toute vraisemblance, ceux-ci sont déjà au courant de l’issue des négociations qui ont eu lieu avec Johnson. Murray leur remet un document signé de sa main et qui prévoit que ceux-ci « ne devront pas être molestés ni arrêtés par un officier ou des soldats anglais lors de leur retour à leur campement de Lorette » et qu’ils seront « reçus aux mêmes conditions que les Canadiens et leur sera permis d’exercer librement leur religion, leurs coutumes et la liberté de commerce avec les Anglais ». Ce document remis par Murray aux Hurons et dont certains parleront plus tard comme d’un simple « sauf-conduit » sera reconnu comme un traité par la Cour suprême dans Sioui[23].

Les 15 et 16 septembre est tenue la conférence de Caughnawaga (Kahnawake), à laquelle prennent part les Sept Feux. Au terme de la conférence, les ententes de Fort-Lévis et de Longueuil sont confirmées et les Sept Feux adhèrent à la « Covenant Chain », la série d’alliances qui lie l’Angleterre à la Confédération haudenosaunee (iroquoise). Dans sa correspondance, Johnson en parle comme d’un traité.

L’article 40 de la capitulation de Montréal, signée par Vaudreuil devant Amherst, demande au conquérant que les anciens alliés autochtones de la France soient maintenus dans les terres qu’ils habitent s’ils veulent y rester et qu’ils aient comme les Français la liberté de religion[24].

En droit international, la Conquête est consacrée par le Traité de Paris de 1763[25]. Aux termes de celui-ci, la Grande-Bretagne obtient de la France l’île du Cap-Breton, l’île Saint-Jean (actuellement l’Île-du-Prince-Édouard) ainsi que le Canada, qui à l’époque s’étend au bassin des Grands Lacs[26]. La France conserve des droits de pêche « sur une partie des Côtes de l’Isle de Terre-Neuve » et dans le golfe du Saint-Laurent, en partie par un renouvellement de l’article 13 du Traité d’Utrecht[27], et obtient Saint-Pierre-et-Miquelon comme simple port de pêche[28]. La France cède à la Grande-Bretagne la rive gauche du fleuve Mississippi, à l’exception toutefois de la Nouvelle-Orléans qui (comme la rive droite du Mississippi) doit demeurer française[29]. Or, par un accord secret de 1762, le soi-disant Traité de Fontainebleau, la France aurait préalablement cédé toute la Louisianne de même que la Nouvelle-Orléans à l’Espagne[30] qui, pourtant, ne s’opposera pas à la cession, par la France, d’une partie de ce même territoire en vertu du Traité de Paris de l’année suivante. La Grande-Bretagne restitue à l’Espagne tous les territoires qu’elle a conquis dans l’île de Cuba, « avec la Place de la Havane[31] », en échange de quoi l’Espagne lui cède « la Floride […] ainsi que tout ce que l’Espagne possède sur le Continent de l’Amérique septentrionale, à l’Est, ou au Sud-Est, du fleuve Mississippi[32] ». La Grande-Bretagne obtient par ailleurs de la France la Grenade et les Grenadines et la confirmation de son titre sur les îles de Saint-Vincent, de la Dominique et de Tobago, celui de la France étant confirmé sur celle de Sainte-Lucie[33]. La France se voit également restituer par la Grande-Bretagne les îles de la Guadeloupe, de Mariegalante, de la Désirade et de la Martinique ainsi que Belle-Isle[34]. Des questions intéressant l’Afrique, l’Asie et l’Europe sont aussi réglées[35]. En revanche, les droits des peuples autochtones n’y sont pas reconnus.

Cependant, outre le droit international, la Conquête devait trouver sa traduction en droit interne. Cela fut fait par la Proclamation royale de 1763, du roi George III[36], sur recommandation du gouvernement britannique et du surintendant des Affaires indiennes[37].

La Proclamation royale du 7 octobre 1763 visait d’abord à pourvoir à la mise sur pied d’un gouvernement dans les nouvelles colonies de Québec, de Floride orientale, de Floride occidentale[38] ainsi que de Grenade. Elle servit ainsi de constitution provisoire à la colonie de Québec jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Acte de Québec de 1774. Mais elle visait aussi à protéger les droits des peuples autochtones, si bien qu’elle est surnommée la « Grande charte amérindienne ».

Les peuples amérindiens, dont l’amitié paraissait maintenant « inutile » aux colons des Treize colonies qui convoitaient leurs terres à l’Ouest des Appalaches, avaient été plutôt négligés voire méprisés par les autorités coloniales depuis la Conquête. En 1762, le général Amherst met fin à la pratique de distribution de présents pourtant devenus essentiels à la subsistance des Autochtones[39]. « Les Anglais refusent d’abandonner leurs forts, comme ils l’avaient promis, et occupent ceux des Français. Ils se révèlent incapables d’empêcher les habitants des colonies du Sud de s’établir sur les territoires des autochtones[40]. » Voilà d’ailleurs le contexte de la rébellion du chef outaouais Pontiac au printemps de cette même année 1763. « En août 1763, on apprend à Londres que les autochtones ont pris ou détruit neuf forts situés au sud des Grands Lacs et qu’ils assiègent Detroit[41] ». Les fruits de la Conquête étaient fragiles. De plus, les autorités impériales tenaient au principe selon lequel les colons (pas davantage que les puissances étrangères) ne devaient pas être autorisés à acheter ou louer des terres directement des Amérindiens, qui devait plutôt impérativement d’abord céder leur titre à la Couronne.

La première grande mesure relative aux Autochtones que prend la Proclamation consiste en la délimitation d’un « Territoire Indien » à l’extérieur des colonies britanniques, anciennes et nouvelles. Ce territoire est donc situé entre la Floride, les Treize colonies, la colonie de Québec, la Terre de Rupert (Compagnie de la baie d’Hudson) et, on le devine même si cela n’est pas précisé, le Mississippi (Espagne). Nous avons vu qu’il devait correspondre largement au territoire couvert par les traités de 1701 et 1726. Il est toutefois certainement possible, au vu de la technique négative employée pour sa délimitation, d’interpréter le « Territoire Indien » comme une catégorie résiduelle : tout territoire relevant maintenant ou dans l’avenir de l’Amérique du Nord britannique sans être rattaché à une colonie ou au territoire assujetti à la compétence de la Compagnie de la baie d’Hudson (pour le moment la Terre de Rupert) est ou sera territoire indien et administré comme tel. D’ailleurs, en 1803, une loi britannique impériale, le Canada Jurisdiction Act[42], attribue aux tribunaux du Bas-Canada la compétence sur les affaires criminelles provenant du « Territoire indien », ce qui posera la question de savoir si cette compétence territoriale ne couvre que le Territoire du Nord-Ouest ou si elle s’étend à la Terre de Rupert, ce que contestera la Compagnie de la Baie d’Hudson[43].

Dans le « Territoire Indien », la colonisation est suspendue et ne pourra reprendre que sur autorisation des autorités impériales (par opposition aux autorités coloniales). Dans l’intervalle, aucun gouverneur colonial ni « commandant en chef » ne peut faire arpenter ou concéder des titres sur des terres se situant au-delà des frontières de la colonie dont ils sont respectivement chargés de l’administration. Il est donc interdit à tout sujet de Sa Majesté de s’établir dans ce Territoire indien sans y avoir été spécialement et directement autorisé par Londres ou d’y acheter des terres auprès des occupants autochtones. Ceux qui l’ont déjà fait doivent quitter les lieux. La création d’un tel « Territoire Indien » fut un des facteurs de la Guerre d’indépendance américaine, comme le fut à plus forte raison le rattachement d’environ la moitié de ce territoire à la colonie de Québec en 1774[44]. Il est capital, pour la suite de l’histoire, de ne jamais oublier depuis combien longtemps les terres indiennes ont été convoitées par les colons britanniques. La décolonisation de ceux-ci par rapport à Londres se traduira par leur colonisation intérieure des Autochtones. 

La seconde grande mesure prise par la Proclamation royale relativement aux Autochtones consiste à protéger les droits de ceux-ci sur leurs terres à l’intérieur des colonies et des territoires qui, telle la Terre de Rupert, sont administrés par une compagnie[45]. En 1966, la Cour suprême du Canada a statué que la Proclamation « specifically excludes territory granted to the Hudson’s Bay Company[46] ». Il ne peut s’agir que d’une erreur. Le texte de 1763 fait en sorte que, à l’intérieur des colonies et des territoires administrés par une compagnie, les terres qui n’ont pas été cédées par les Autochtones à Sa Majesté ou autrement achetées d’eux par celle-ci leur sont réservées. L’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Marshall / Bernard laisse cependant entendre que l’application de la Proclamation de 1763 dans une colonie n’a jamais eu pour effet de réserver l’ensemble de celle-ci aux Autochtones[47]. Dans l’arrêt Sioui, cette juridiction avait d’ailleurs eu ce mot ambigu selon lequel « la Proclamation royale du 7 octobre 1763 organisa les territoires récemment acquis par la Grande-Bretagne et réserva aux Indiens deux catégories de terres : celles situées à l’extérieur des limites territoriales de la colonie et les établissements permis par la Couronne à l’intérieur de la colonie[48] ». À mon avis, l’interprétation juste des dispositions qui nous occupent est que, à l’intérieur des colonies et de la Terre de Rupert, la Proclamation de 1763 a réservé aux Autochtones les terres qu’ils occupaient sans les avoir jamais cédées à la Couronne.

Comme avec le Territoire indien, tout intrus doit quitter les lieux d’une terre réservée aux Autochtones à l’intérieur d’une colonie ou d’un territoire administré par une compagnie, et le roi se réserve le pouvoir exceptionnel d’autoriser de ses sujets à acheter ou prendre de telles terres ou s’y établir. Or une procédure normale pour ce faire est aussi prévue, mais pour les terres réservées à l’intérieur des colonies et de la Terre de Rupert seulement, et consiste en une cession volontaire à la Couronne de la part des Autochtones concernés au terme d’une assemblée de ceux-ci convoquée à cette fin :

si quelques-uns des sauvages, un jour ou l’autre, devenaient enclins à se départir desdites terres, elles ne pourront être achetées que pour Nous, en Notre nom, à une réunion publique ou à une assemblée des sauvages qui devra être convoquée à cette fin par le gouverneur ou le commandant en chef de la colonie […]; en outre, si ces terres sont situées dans les limites de territoires administrés par leurs propriétaires (proprietary government), elles ne seront alors achetées que pour l’usage et au nom des propriétaires, conformément aux directions et aux instructions que Nous croirons ou qu’ils croiront à propos de donner à ce sujet […].

Ces conditions ont été reprises dans l’ensemble par la Loi sur les Indiens[49] concernant les terres de réserve ainsi que par la jurisprudence relative au titre aborigène[50]. Il faut toutefois savoir que, le 15 décembre 1876, exerçant un pouvoir que lui attribuait la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral a, par décret (« proclamation »), suspendu l’application des dispositions de cette loi relatives à la cession à l’égard de « toutes les réserves et terres indiennes » de la Colombie-Britannique[51]. Ce décret et le pouvoir de le prendre n’ont été abrogé et aboli que lors de la révision de 1907 de la Loi sur les Indiens.

Concernant cette protection des droits territoriaux des Autochtones à l’intérieur des colonies et de la Terre de Rupert, la rédaction maladroite de la Proclamation royale a donné lieu à de nombreuses controverses qui, faute d’avoir été tranchées par la Cour suprême, perdurent aujourd’hui, notamment relativement à l’application de ces droits au Québec. Une interprétation littérale pourrait suggérer que l’interdiction de faire arpenter ou de concéder toute terre qui, d’une manière ou d’une autre, est réservée à des Autochtones ne vaut que pour les colonies autres que les nouvelles colonies de Québec, Floride orientale et Floride occidentale. À cet égard, de savants débats ont eu lieu sur la signification possible de l’emploi de la virgule et du point-virgule dans ce texte[52]. Or, comme le défend Michel Morin, une interprétation contextuelle et l’examen de la pratique de l’époque suggèrent tous deux fortement que les dispositions de la Proclamation royale relative à la protection des territoires autochtones à l’intérieur des colonies avaient pour vocation de s’appliquer également dans les nouvelles colonies et sur la Terre de Rupert et qu’elle fut immédiatement et longtemps interprétée ainsi[53]. En 1918, dans l’affaire Bonhomme[54], la Cour suprême du Canada laisse entendre, dans des dicta, que la Proclamation royale protège les droits des Autochtones à l’intérieur du Québec de 1763[55].

En pratique toutefois, si les autorités coloniales d’après la Conquête se sont d’abord abstenues, dans la colonie de Québec comme dans les autres colonies britanniques d’Amérique du Nord, de concéder des terres dans les territoires traditionnels de chasse des Autochtones, elles s’y seraient autorisées à partir de l’année 1787[56]. Les autorités impériales, coloniales, fédérales et provinciales ont effectivement longtemps affirmé que, les droits de certaines communautés autochtones ayant été éteints par la colonisation française ainsi que par les traités d’Utrecht (1713) et de Paris (1763), celles-ci ne pouvaient bénéficier de la Proclamation royale de 1763[57]. Or, dans la double affaire Marshall / Bernard, la Cour suprême du Canada a confirmé que les dispositions de la Proclamation de 1763 relatives aux Autochtones s’appliquent dans l’ancienne Acadie française[58].

Un autre débat porte sur l’application historique et les effets actuels de la Proclamation royale sur le Territoire du Nord-Ouest. Suivant l’interprétation « résidualiste » du « Territoire indien », il est possible que le Territoire du Nord-Ouest en ait déjà relevé avant de ressortir à la Compagnie de la Baie d’Hudson, soit avant 1821.

Quant à la reconnaissance, par la Proclamation, de droits territoriaux aux Autochtones à l’intérieur des colonies et des territoires administrés par une compagnie (Proprietary Government), on peut y voir un principe général, applicable aux futures colonies. Cette manière de voir sera rejetée par trois (motifs du juge Judson) et admise par autant (motifs du juge Hall) de juges de la Cour suprême dans Calder[59], le septième juge ne se prononçant pas sur cette question. Cette affaire provenait de la Colombie-Britannique qui, avant de devenir une province canadienne (1871), fût constituée en colonie à partir du Territoire du Nord-Ouest (1849, 1858, 1866). Dans Delgamuukw, le juge en chef Lamer relèvera au passage que, « les droits énoncés dans la Proclamation [royale de 1763…] ont été appliqués en principe aux peuples autochtones dans l’ensemble du pays[60] ». La thèse de l’application de la Proclamation royale à la Colombie-Britannique me paraît être plus convaincante que son contraire[61].

Comme le fait bien ressortir entre autres Michel Morin, en ses principes fondamentaux la Proclamation royale n’est pas inédite mais poursuit une pratique qui remonte à 1664, soit la reconnaissance par l’Angleterre de l’occupation de leurs territoires de chasse par les autochtones[62]. L’évolution consiste notamment ici dans la codification juridique (en droit interne) d’une pratique – peut-être fondée auparavant sur le droit international. Au-delà de la pratique, les droits territoriaux des Autochtones obtiennent ici pleine valeur juridique en droit britannique. La Proclamation royale représente donc aussi un rappel, du moins partiel, par Londres, de la compétence impériale sur les Autochtones et l’administration des terres.

Le 1er août 1764, les termes de la Proclamation ont été expliqués par le surintendant Johnson aux Autochtones réunis en conférence à Niagara, puis ils auraient été ratifiés au fort Ontario en 1766, de sorte que la Proclamation semble aussi avoir fait l’objet d’un traité, en l’occurrence le traité de Niagara de 1764, qui aurait en même temps confirmé la « covenant chain ».

En 1774, dans l’affaire Campbell v. Hall, lord Mansfield, le juge en chef du King’s Bench anglais, statue que la Proclamation royale de 1763 représentait un exercice valide de la prérogative royale de conquérant. Au contraire des colonies de peuplement sur lesquelles le roi n’avait aucune compétence législative mais ne pouvait qu’autoriser par ordonnance la convocation d’une assemblée législative et la création de tribunaux locaux, les colonies « conquises » étaient assujetties à une compétence royale de nature législative à laquelle le roi renonçait dès lors qu’il promettait de convoquer une assemblée législative. Il ne pouvait normalement s’agir ici que de la conquête des zones françaises et espagnoles d’établissement dans la mesure où rien n’était moins sûr alors que la réalité d’une conquête des peuples autochtones par le souverain britannique[63]. Or cette catégorie de « colonie conquise ou acquise par traité » s’opposait jusqu’alors à celle de « colonie de peuplement », considérée comme terra nullius. L’arrêt Campbell v. Hall dérobe au champ d’application de cette dernière catégorie les colonies établies sur des terres habitées préalablement par des peuples « païens ».

Le Quebec Act de 1774[64], qui abrogeait la Proclamation royale de 1763 « en ce qui concerne la […] province de Québec[65] », prévoyait d’autre part que « rien de ce qui est contenu dans cet Acte ne s’étendra, ou s’entendra s’étendre à annuler, changer ou altérer aucuns droits, titres ou possessions, résultant de quelques concessions, actes de cession, ou d’autres que ce soit, d’aucunes terres dans la dite province, ou provinces y joignantes, et que les dits titres resteront en force, et auront le même effet, comme si cet Acte n’eut jamais été fait[66] ». Des clauses équivalentes ont également été prévues dans les lois constitutionnelles ultérieures[67]. De fait, la Proclamation royale de 1763 n’a jamais été directement abrogée en son entier. Elle l’a été indirectement dans une large mesure, mais ses dispositions relatives aux Autochtones sont toujours en vigueur[68]. Par ailleurs, l’alinéa 25a) de la Charte canadienne des droits et libertés[69] a confirmé « les droits et libertés des peuples autochtones » issus de la Proclamation royale de 1763.En dépit des dispositions de la Proclamation royale, il y aurait eu quelque 50 000 colons établis illégalement à l’ouest des Appalaches en 1774[70]. En effet, après 1763, en violation de la Proclamation royale, l’administration des 13 colonies américaines conclura des traités de cession de vastes territoires, de manière à faire reculer le « Territoire indien ».


[1] Case of Tanistry (1608), Davis 28 [80 E.R. 519] (lord Mansfield). Voir à ce sujet F.H.N., « The Case of Tanistry », (1950-1952) 9 Northern Ireland Legal Quarterly 215.

[2] Calvin’s case (1608). 7 Co Rep 1a, 17b, 23a [77 ER 377, 398, 404] (lord Coke). Voir à ce sujet G. Loughton, « Calvin’s Case and the Origins of the Rule Governing “Conquest” in English Law », [2004] AJLH 8 : http://www.austlii.edu.au/au/journals/AJLH/2004/8.html

[3] Campbell v. Hall (1774) 1 Cowp 204, 210 [98 ER 1045, 1048]. Lord Mansfield y parle de l’« absurd exception as to pagans, mentioned in the Calvin’s case, [which] shews the universality and antiquity of the maxim [according to which the laws of a conquered country continue in force until they are altered by the conqueror]. For that distinction could not exist before the Christian æra; and in all possibility arose from the mad enthusiasm of the Croisades ».

[4] M. Morin, L’usurpation…, p. 112.

[5] M. Morin, L’usurpation…, p. 113.

[6] Citée dans J. W. Springer, « American Indians and the Law of Real Property in Colonial New England », American Journal of Legal History, 30(1), 25-58, p. 56.

[7] M. Morin, L’usurpation…, p. 115.

[8] M. Morin, L’usurpation…, p. 115.

[9] « […]and wee having subjected ourselves and lands on this side of Cadarachqui lake wholy to the Crown of England […] ». Le texte du traité de Nanfan a été publié dans : O’Callaghan, E.B. (Ed.), Documents Relative to the Colonial History of the State of New York, vol. 4., Albany (NY), Weed, Parsons, and Co., 1855, p. 908 s.

[10] Le traité de confirmation de 1726 a été conclu avec les représentants de sept tribus réparties entre ces trois nations : tribus du castor et du pluvier pour la nation sinneke ; tribus de la tortue, du loup et de l’ours pour la nation cayouge ; tribus du loup et du cerf pour la nation onnandage.

[11] Contra supra note 28. 

[12] Ruding v. Smith, (1821) 161 E.R. 774 (Consistory Court, Lord Stowell), p. 778 : « Even with respect to the ancient inhabitants [of a conquered country], no small portion of the ancient law is unavoidably superseded by revolution of government that has taken place. The allegiance of subjects, and the law that relates to it – the administration of the law in the sovereign, and appellate jurisdiction – and the laws connected with the exercice of sovereign authority – must undergo alterations adapted to the change »,  prenant ses distances par rapport à Campbell v. Hall, (1774) 98 E.R. 1045 (King’s Bench, Lord Mansfied) : « For before the 7th October 1763, the original constitution of Grenada continued, and the King stood in place of [the inhabitants’] former Sovereign ».

[13] M. Morin, L’usurpation…, p. 121.

[14] M. Morin, « Des nations libres… », p. 54.

[15] Cité par M. Morin, « Des nations libres… », p. 30. Voir C. Parry (Ed.), Consolidated Treaty Series, Dobbs Ferry, Oceana, 1969, vol. 21, p. 409.

[16] M. Morin, « Des nations libres… », p. 55.

[17] M. Morin, « Des nations libres… », p. 57.

[18] M. Morin, « Des nations libres… », p. 65.

[19] Les Français soutiennent alors que les « Sauvages » sont « libres & indépendants » au point de ne pas pouvoir être appelés « sujets de l’une ou l’autre Couronne; l’énonciation du traité d’Utrecht à cet égard, est fautive & ne peut changer la nature des choses ». Cette nature est soudainement celle de peuples qui demain peuvent cesser d’occuper le terrain qu’ils occupent aujourd’hui en même temps que de devenir alors l’ennemi de son ami de la veille (« MÉMOIRE remis par M. le Duc de Mirepoix au Ministère de Londres, le 14 mai 1755 », in Jacob-Nicolas Moreau (dir.), Mémoire contenant le précis des faits avec leurs pièces justificatives pour servir de réponse aux observations envoyées par les Ministres d’Angleterre dans les Cours de l’Europe, Paris, Imprimerie royale, 1756, p. 250-257, cité par M. Morin, « Des nations libres… », p. 66.

[20] Voir à ce sujet des traités de 1760 et 1761 : R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456 ; R. c. Marshall; R. c. Bernard, [2005] 2 R.C.S. 220.

[21] J. Gwyn, «Sir William Johnson» dans J. English et R. Bélanger (dir.), Dictionnaire biographique du Canada en ligne, University of Toronto Press/Université Laval, 2000 : http://www.biographi.ca/index-f.html  

[22] Denys Delâge et Jean-Pierre Sawaya, Les Traités des Sept-Feux avec les Britanniques: Droits et pièges d’un héritage colonial au Québec, Septentrion, 2001.

[23] R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025. Ajoutons que, dans R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456, la Cour suprême a aussi reconnu comme traités des accords commerciaux conclus entre les Micmacs et le gouverneur de la Nouvelle-Écosse en 1760 et 1761.

[24] Rappelons que la capitulation de Montréal prévoyait la liberté de religion, le maintien des droits de propriété et de la Coutume de Paris.

[25] Traité de Paix en le roi d’Espagne et le roi de la Grande Bretagne, conclu à Paris le 10 février 1763, avec l’accession du roi du Portugal, Paris, Imprimerie royale, 1763.

[26] Id., a. 4.

[27] Id., a. 5.

[28] Id., a. 6.

[29] Id., a. 7.

[30] C. Herbermann, The Catholic Encyclopedia: An International Work of Reference on the Constitution, Doctrine, Discipline, and History of the Catholic Church, Encyclopedia Press, 1913, p. 380.

[31] Id., a. 19.

[32] Id., a. 20.

[33] Traité de Paix en le roi d’Espagne et le roi de la Grande Bretagne…, supra note 52, a. 9.

[34] Id., a. 8.

[35] Id., a. 10-14.

[36] Son règne (1760-1820) a connu notamment la conquête de la Nouvelle-France, la perte des colonies qui allaient former les É.-U., l’unification des royaumes de Grande-Bretagne et d’Irlande ainsi qu’une forte tendance à la réaffirmation de la prérogative royale aux dépens, non seulement du Parlement, mais aussi du cabinet.

[37] Proclamation royale de 1763, L.R.C. 1985, app. II, no 1. La fidélité de cette version au texte original a été contestée : B. Slattery, The Land Rights of Indigenous Canadian Peoples, thèse de doctorat, Université d’Oxford, 1979, pp. 204 et 362 s. La version tenue pour la plus fiable par cet auteur est reproduite dans M. Morin, L’usurpation…

[38] Ce territoire passa à l’Espagne en vertu des traités de Versailles de 1783, conclu au terme de la guerre américaine d’indépendance, pour revenir aux Etats-Unis en 1810. 

[39] M. Morin, L’usurpation…, p. 133.

[40] M. Morin, L’usurpation…, p. 133.

[41] M. Morin, L’usurpation…, p. 133-134.

[42] Canada Jurisdiction Act, 43 Geo. III, c. 138 (R.-U.).

[43] La question de savoir si cette compétence s’étend aux Autochtones ou se limite aux « Blancs » se posera également. Voir à ce sujet les affaires R v De Reinhard et R v M’Lellan, dont traite notamment Hamar Foster, « Forgotten Arguments: Indian Title and Sovereignty in Canada Jurisdiction Act Cases », (1992) 21:3 Manitoba Law Journal 343-389. Selon des travaux plus récents, « later court interpretations […] more clearly imply that the act did not extend to Natives » (Donald Fyson, « Minority Groups and the Law in Quebec, 1760-1867 », in G. Blaine Baker et Donald Fyson (dir), Essays in the History of Canadian Law, Volume XI : Quebec and the Canadas, Osgoode Society for Canadian Legal History et University of Toronto Press, 2013, p. 278-329, à la page 289.

[44] Quebec Act, (1774) 14 Geo. III, c. 83 (G.-B.).

[45] « […] and in any case they shall lie within the Limits of any Proprietary Government […] »

[46] Sigeareak El-53 v. The Queen, [1966] S.C.R. 645, p. 650.

[47] R. c. Marshall / R. c. Bernard, [2005] 2 R.C.S. 220, par. 85-96.

[48] R. c. Siouisupra note 50, p. 1052. Le souligné est de moi.

[49] Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5, art. 36-41.

[50] Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, par. 113, 115, 129, 131. Voir aussi : Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, p. 379-382 ; Canadien Pacifique Ltée c. Paul, [1988] 2 R.C.S. 654, p. 677-678 ; St. Catherine’s Milling and Lumber Co. v. The Queen, (1888) 14 App. Cas. 46 (PC).

[51] Proclamation, December 15, 1876, The Canada Gazette, December 30, 1876, vol. X, no 27.

[52] Brian Slattery, The Land Rights of Indigenous Canadian Peoples as Affected by the Acquisition of their Territories, doctoral dissertation, Oxford University/University of Saskatchewan Law Centre, 1979.

[53] M. Morin, L’usurpation…, p. 139-151. De nombreux traités ont été conclus dans les deux Florides avant l’indépendance des colonies américaines. Dans Mitchel v. United States, 9 Peters 711 (1835), la Cour suprême des États-Unis est appelée à examiner certains d’entre eux et affirme alors que la Proclamation royale avait reconnu des droits de propriété aux Autochtones de ces « nouvelles » colonies. Au Québec, les instructions du gouverneur Murray (art. 61 : interdiction de déranger les Autochtones dans les terres qu’ils occupent alors; art. 62 : interdiction pour les sujets britanniques d’acheter directement des terres auprès des Autochtones) et des décisions du Conseil de la province (baie Missisquoi/Abénaquis; Restigouche/Micmacs, Malécites (« Amalécites »); Lac-Saint-Jean/Innus) attestent que la Proclamation royale était interprétée comme s’appliquant dans la colonie. Concernant les Innus du Lac-St-Jean, la décision du Conseil du gouverneur a même été confirmée par le Conseil privé en 1767. Voir à ce sujet D. Schulze, « L’application de la Proclamation royale de 1763 dans les frontières originales de la province de Québec : la décision du Conseil privé dans l’affaire Allsopp », [1997] 31 R.J.T. 511. 

[54] R. c. Bonhomme, (1918) 59 R.C.S. 679.

[55] M. Morin, « Un document inédit sur la portée territoriale de la Proclamation royale : les notes des juges de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Bonhomme », (1995) 26 R.G.D. 557.

[56] Voir Alain Beaulieu, « ‘An Equitable Right to be Compensated’: The dispossession of the Aboriginal Peoples of Quebec and the Emergence of a new legal rationale (1760-1860) », Canadian Historical Review, vol. 94, 2013, pp. 1-27.

[57] Voir notamment J. Stagg, Anglo-Indian Relations in North America to 1763 and an Analysis of the Royal Proclamation of 7 October 1763, Ottawa, Indian and Northern Affairs Canada, 1981 ; R. Dupuis, Tribus, peuples et nations : les nouveaux enjeux des revendications autochtones au Canada, Montréal, Boréal, 1997, p. 61.

[58] R. c.  Marshall R. c. Bernard, [2005] 2 R.C.S. 220, par. 87.

[59] Calder et al. c. Procureur Général de la Colombie-Britannique, [1973] R.C.S. 313.

[60] Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, par. 200.

[61] P.M. Hutchings, «The Argument for the Application of the Royal Proclamation of 1763 to British Columbia : Its Force and Effect», thesis (LL.M.), University of British Columbia, 1987; M. Morin, L’usurpation…, p. 204.

[62] M. Morin, L’usurpation…, chap. V (p. 105-127) et p. 138.

[63] Campbell v. Hall, (1774) 98 E.R. 1045.

[64] Quebec Act, (1774) 14 Geo. III, c. 83 (G.‑B.).

[65] Id., art. IV, al. 3, trad. de F.J. Cugnet.

[66] Id., art. III.II, trad. de F.J. Cugnet.

[67] The Clergy Endowments (Canada) Act, (1791) 31 Geo. III. c. 31 (G.-B.), art. 33 ; Act of Union, (1840) 3-4 Vict., c. 35 (R.-U.), art. 46 ; British North America Act, (1867) 30-31 Vict., c. 3 (R.-U.), art. 129. Cette dernière loi sera officiellement réintitulée, en français, «Loi constitutionnelle de 1867» aux termes de l’annexe de la Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11.

[68] Voir notamment St. Catherine’s Milling & Lumber Co. c. The Queensupra note 77, p. 626.

[69] Loi constitutionnelle de 1982, L.R.C. 1985, app. II, no 44, Partie I.

[70] M. Morin, L’usurpation…, p. 138.

2 réflexions sur « Vous avez dit « histoire », « État canadien » et « doctrine de la découverte »? Partie 2 : la colonisation et la conquête britanniques »

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