Le rapport Charbonneau et le monde municipal : des recommandations qui vont dans la bonne direction, mais pas assez loin en matière de démocratie

Le rapport de la Commission Charbonneau déposé ce matin contient plusieurs recommandations concernant le monde municipal.

Je retiens surtout l’assujettissement des OBNL paramunicipaux aux règles relatives à l’octroi de contrats; l’extension du mandat du Vérificateur général du Québec aux petites municipalités; l’interdiction aux associés d’une société de personnes de faire des contributions politiques dans une municipalité où ils ne sont pas domiciliés; l’augmentation de la transparence des conseils municipaux, avec moins de huit clos et des dépôts de documents à l’avance; l’annulation des contrats en cas de non-respect des règles d’après-mandat; l’interdiction de tout cadeau, même modeste, aux élus ou fonctionnaires et la possibilité de limiter le nombre de mandats des maires.

Dans l’ensemble, cela va dans le bon sens. Mais parfois, les mesures proposées seraient difficilement applicables. Par exemple, la commission souhaite étendre le mandat du Vérificateur général du Québec aux municipalités de moins de 100 000 habitants. Or, il y a plus de 1000 municipalités entrant dans cette catégorie. Le Vérificateur général du Québec ne pourra en vérifier qu’une infime minorité. Il aurait été préférable d’étendre l’obligation actuellement applicable aux grandes villes d’avoir leurs propres vérificateurs généraux aux villes de taille moyenne et aux MRC, qui elles pourraient vérifier ce qui se fait dans les petites municipalités rurales.

La recommandation la plus intéressante est toutefois celle d’interdire les réunions à huit clos d’élus municipaux d’un même conseil, sauf exception. À l’heure actuelle, la loi prévoit que les séances officielles du conseil de ville, celles où sont votés les règlements, sont publiques. Dans les faits, très souvent les élus se réunissent à huit clos pour débattre des projets de règlement, et lorsqu’ils sont en séance publique ils les adoptent sans débat, de sorte que les citoyens sont exclus du processus. C’est pourquoi il faudrait étendre la règle du caractère public des réunions à toutes les réunions, sauf exception. Personnellement, j’ai déjà soulevé la question ici même à Sherbrooke au Comité consultatif d’urbanisme, qui se réunit à huit clos, et on m’avait servi une volée de bois vert. Donc, même si c’est une bonne idée, ça risque de susciter beaucoup d’opposition chez les élus municipaux. Et c’est la même chose pour l’idée de limiter le nombre de mandats des maires.

Donc, il y a de bonnes idées dans ce rapport. La question est de savoir si le gouvernement arrivera à les mettre en œuvre. Normalement, une réforme municipale se fait seulement lorsqu’il existe un assez large consensus chez les élus municipaux. À mon avis, le gouvernement pourrait convaincre les élus municipaux d’accepter des réformes si c’est fait dans un contexte d’équité et de donnant-donnant. D’équité, parce que les élus municipaux n’accepteront pas que le gouvernement leur impose des règles qu’il refuse de s’imposer à lui-même. On imagine difficilement une loi protégeant les fonctionnaires municipaux qui dénoncent les malversations, mais pas les fonctionnaires de l’État.

Donnant-donnant, parce qu’actuellement les élus municipaux font des demandes au gouvernement, notamment en matière d’autonomie municipale. Les villes veulent être traitées d’égal à égal et non plus comme des subordonnés. Le gouvernement devrait profiter de ce contexte pour lui aussi faire des demandes aux municipalités. Par exemple, il devrait leur dire : vous voulez que telle ou telle approbation gouvernementale soit abolie pour vous donner plus d’autonomie, parfait; mais vous allez accepter d’augmenter la transparence des conseils municipaux. Autrement dit, que les villes veuillent rendre moins de comptes à Québec, comme le suggère le rapport Perrault, c’est très bien… pourvu qu’elles rendent plus de comptes à leurs citoyens. À mon avis, c’est avec une telle attitude, d’égal à égal et donc de donnant-donnant, que le gouvernement devrait procéder dans le cadre de sa réforme de décentralisation promisse… et non en donnant aux villes tout ce qu’elles veulent sans condition.

De manière plus générale, tout le rapport est très axé sur les mécanismes juridiques et les règles pouvant être mis en place pour limiter la corruption. Et évidemment ces aspects techniques sont importants. Par contre, l’essentiel se trouve ailleurs : l’essentiel, c’est la démocratie qui doit être assez forte pour empêcher les comportements répréhensibles. Or, sur cet aspect le rapport est moins élaboré.

Il y a une section sur la participation citoyenne; elle aurait pu être plus étoffée. Elle contient des recommandations intéressantes, comme celle sur la transparence des conseils municipaux, mais il en manque. Car à mon avis, la meilleure façon de combattre les élus municipaux corrompus, c’est de s’assurer que les citoyens puissent s’en débarrasser tous les 4 ans et qu’entre temps des élus honnêtes puissent les questionner. Le rapport aurait donc pu être beaucoup plus innovateur en matière de démocratie municipale. Il aurait dû proposer plus de droits pour les élus d’opposition. Il aurait dû favoriser la compétitivité en matière électorale. Par exemple, on sait que, sauf exception, lors d’une élection à la mairie, le gagnant emporte tout, puisque, sauf à Montréal, celui qui arrive deuxième ne devient même pas chef de l’opposition. Cela fait en sorte que le conseiller municipal d’opposition hésite à se présenter à la mairie de peur de perdre la mairie qu’il convoite ET le siège de conseiller qu’il occupe déjà. Il faudrait donc qu’un conseiller municipal qui se présente à la mairie puisse présenter un colistier à son poste de conseiller et qu’en cas de défait à la mairie mais de victoire dans son district il puisse reprendre son poste de conseiller… et devenir le chef de l’opposition au conseil.

Ce serait bon pour combattre les maires corrompus et plus largement pour revigorer la démocratie municipale, même dans les villes où il y a peu ou pas de corruption.

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