Troisième journée à Nairobi : « Please, tell them to make a deal »

Par Geneviève Dufour et David Pavot

On ne peut pas dire que rien ne se passe à Nairobi. Aujourd’hui, une vingtaine de manifestants anti-OGM ont fait un sit-in à l’entrée de la zone protégée sous le regard d’au moins 80 militaires, la présidente de la conférence, la ministre Amina Mohamed, a imploré les médias de rester positifs, un jeune journaliste béninois a questionné le porte-parole de l’OMC sur un ton qui rappelait les récriminations de Seattle, le soleil est revenu et notre chauffeur a pesté contre le trafic.

Surtout, 53 membres se sont entendus sur l’adoption d’un accord pluritaléral sur les technologies de l’information (ATI2). Ce texte vise à réduire à zéro les droits de douane visant 201 produits d’ici 2024. Selon l’OMC, l’impact de cet accord est majeur puisqu’il libéralise 10% du commerce mondial. En outre, étant conclu sur une base NPF, il permet à tous les membres d’en tirer parti. Ça demeure un accord plurilatéral, c’est-à-dire, qu’il ne lie pas tous les membres, mais il s’agit tout de même d’une avancée importante considérant l’importance des produits en question (TV LCD, GPS, scanner …).

On a aussi appris qu’un accord sur les règles d’origine préférentielle aurait été conclu et serait présenté, pour acceptation, aux ministres ce soir. Un ami lobbyiste nous a communiqué un projet de texte sur l’agriculture. Celui-ci ne produit le miracle pas attendu : il renvoie entre autres des sujets clés à de futures discussions à Genève (mesure de sauvegarde spéciale ou mesures de soutien interne). Une fois encore, le volet agricole est au centre des débats.

Selon certains chefs de délégations, notamment africains, les choses n’avanceraient pas, car les pays développés n’y trouveraient aucun intérêt. À Bali, les pays développés tenaient à l’Accord sur la facilitation des échanges et l’Inde en avait fait un outil de négociation. À Nairobi, c’est surtout le paquet PMA qui est au centre des échanges et aucune concession en faveur du Nord ne semble être présente sur la table. Toutefois, les négociateurs travaillent d’arrache-pied et il se dit que les progrès sont spectaculaires depuis le début de la conférence. On assistera peut-être à un miracle, qui sait ?

Il reste toutefois un point majeur de discorde entre les négociateurs : l’avenir du cycle de Doha et donc le programme de négociation post-Nairobi. Les PMA, et notamment les Africains, rappellent l’importance de conclure le cycle de Doha et de continuer à négocier à l’intérieur des balises adoptées depuis 2001. D’autres, comme les États-Unis, verraient plutôt d’un bon oeil de passer à autre chose. Il semble que le consensus ne puisse se faire sur ce point. Cela risque d’affecter grandement la décision ministérielle et annonce un texte hybride. On y reviendra demain !

Assistera-t-on à de nouveaux dénouements cette nuit ? La conférence se clôturera-t-elle comme prévu demain ? On l’espère… un peu pour profiter du safari réservé, mais aussi pour la population qui a bien envie de reprendre le contrôle de sa ville après une victoire l’immortalisant : comme le disait notre chauffeur en rentrant à l’hôtel «  Please, tell them to make a deal » !

Auteur : Geneviève Dufour

Professeure en droit international public Directrice de la maîtrise en droit international et politique internationale appliqués Vice-doyenne à la recherche et aux études supérieures

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